Patiente de 71 ans
Asthénie depuis 3 semaines, AEG, hypertrophie gingivale
Patiente de 71 ans
ATCD : HTA, dyslipidémie, hyperthyroïdie
Histoire de la maladie : la patiente présente depuis 3 semaines une asthénie avec anorexie, une altération de l’état général et une hypertrophie gingivale. Son médecin traitant l’envoie au service d’accueil des urgences.
A l’entrée sont prescrits un hémogramme, un bilan d’hémostase et un bilan biologique

Hyperleucocytose + anémie
pas de thrombopénie
Scattergramme des leucocytes (Sysmex XE2100) : nuage gris très important, signalant une population anormale qui recouvre les nuages lymphocytaire et monocytaire (message d'alerte : "blastes")
L'automate identifie aussi une "myélémie" (nuage rouge sur le scattegramme IMI au centre)
Ii y a plusieurs anomalies : nécessité d'un examen du frottis sanguin (voir plus loin)

Fibrinogène très élevé (état inflammatoire)
pas de CIVD

Syndrome de lyse tumorale (LDH,AU)
insuffisance rénale aiguë sans hyperkaliémie (échographie vésico-rénale :pas de dilatation d’obstacle des cavités pyélocalicielles)
Noter la CRP (cf fibrinogène)

Frottis sanguin au faible grossissement : hyperleucocytose
LAM4 NPM1+ sang

Grossissement intermédiaire : essentiellement des cellules d’allure monocytoïde et des blastes avec rapport N/C élevé

Monocytes anormaux : contour nucléaire exagérément lobulé, parfois un repli du noyau sur lui-même (= définition du promonocyte)

Monocytes anormaux : contour nucléaire exagérément lobulé, parfois un repli du noyau sur lui-même (= définition du promonocyte)

A gauche une cellule plus délicate à identifier : monocyte ou neutrophile ?

Un monocyte et deux blastes : taille moyenne, rapport N/C élevé, évoquant des myéloblastes
LAM4 NPM1+ sang

Trois monocytes et un blaste (qui contient une inclusion arrondie translucide)

Trois monocytes et un blaste

Un blaste et un monocyte (= promonocyte car le repli du noyau sus lui-même est nettement visible)

Promonocyte géant, lymphocyte, neutrophile mature, neutrophile dégranulé (?), et blaste avec une inclusion arrondie translucide

Trois monocytes et un blaste (avec une inclusion translucide)

Formule leucocytaire facile à établir : la composante monocytaire (monocytes + promonocytes) est aisément différenciable de celle des blastes, évocateurs de myéloblastes.
L'inclusion arrondie translucide est observée fréquemment dans certaines LA, et notamment celle-ci

Aspect du myélogramme au faible grossissement

Grossissement intermédiaire

Majorité de cellules d'aspect monocytoïde et de blastes
LAM4 NPM1+ Moelle

Majorité de cellules d'aspect monocytoïde et de blastes

Fort grossissement
Dans cette image les blastes prédominent
cf image suivante

Les blastes(B) ont soit la taille modérée des blastes sanguins, soit une taille plus importante, non différenciée (myéloblastes? monoblastes?)
Un myéloblaste au centre (MB), avec quelques granulations cytoplasmiques

Cellules de la lignée "monocytaire" : +/- immatures, mais aisément reconnaissables comme telles
LAM4 NPM1+ Moelle

Cellules de la lignée "monocytaire"
La discrimination entre "blastes" d'une part et "cellules monocytaires" d'autre part n'est pas aussi facile à réaliser dans la moelle que dans le sang, expliquant qu'il faille d'abord définir ces deux types cellulaires

Un blaste en haut et des cellules d’allure plutôt monocytaire (+/- immatures)

Les quatre images suivantes montrent la difficulté d’identification formelle de chaque cellule : « monocytes +/- anormaux », « blastes » morphologiquement proches de ceux du sang (myéloblastes), ou parfois plutôt « monoblastiques »




La cytochimie de la myéloperoxydase aide peu : les monocytes sont négatifs (attendu), mais les blastes également, indépendamment de leur morphologie (sauf 1, en bas à gauche, faiblement positif).

Cytochimie de la myéloperoxydase
(NASDA estérases non réalisées : interprétation délicate dans ce type de LAM)
Conclusion cytologique
L’examen du sang permet facilement d’évoquer une LA MyéloMonocytaire (myéloblastes + « monocytes ») alors que la moelle est d’interprétation + délicate : il y a 40 % de cellules franchement « monocytaires ou promonocytaires », environ 20 % des blastes d’aspect « myéloblastique » (+/- id Sg), et environ 20 % de blastes classables soit en myéloblastes soit en monoblastes (plus grands, cytoplasme parfois abondant).
(10% de lymphocytes, et 10% de granulocytes + érythroblastes). Absence de cellules éosinophiles.
Caryotype : 46,XY [25]
(Les inclusions arrondies translucides feront l'objet d'une discussion dans une autre observation)
Cytométrie de flux : contingent blastique évalué à 40 % : positivité pour les CD117, HLA-DR, CD38, CD33, et CD13 (chaque fois > 89%),positivité à 38% pour la myéloperoxydase cytoplasmique, mais négatif pour le CD34 (0%). Un contingent monocytaire (CD14+, autre Ag précités négatifs) évalué à 32 %.
On remarque ici l’immunophénotype particulier aux LAM avec mutation NPM1 : absence de CD34 sur les blastes.
Biologie moléculaire :
Gène FLT3 : absence de duplication en tandem interne ; absence de mutation D835
Gène CEBPa : absence de mutation
Gène NPM1 : mutation (de type DD1).
Diagnostic retenu :
Aspect morphologique de Leucémie Aiguë MyéloMonocytaire (LAM4-FAB)
Entité provisoire OMS 2008 : LAM avec mutation NPM1
Les LAM avec mutation du gène NPM1 présentent plusieurs caractéristiques :
Les mutations NPM1 sont :
- restreintes aux LAM de novo
- habituellement présentes dans toutes les cellules leucémiques
- très stables au cours de l'évolution de la maladie (donc une étude par Q-PCR de la maladie résiduelle est possible)
- elles précèdent les autres mutations, notamment celle de FLT3-ITD
Sur le plan clinique et cytogénétique, elles sont :
- fréquentes chez l'adulte (30 % des cas) et rares chez l'enfant (8 % des cas); prédominance féminine
- associées à un caryotype normal dans 85 % des cas, mais 60 % des LAM mutées NPM1 sont également mutées FLT3-ITD
- fréquence élevée de localisations extramédullaires (notamment hypertrophie gingivale et adénopathies), mais ce sont des situations classiques pour les M4 et M5
- bonne réponse initiale à la chimiothérapie, avec pronostic relativement favorable (si absence de mutation FLT3-ITD)
Sur le plan biologique :
- toutes classes FAB rencontrées, mais essentiellement M4 et M5 et absence dans les M3
- ce sont des LAM souvent très hyperleucocytaires
- parfois rapportées avec une N° PLT significativement plus élevée que pour les autres LAM
- expression faible ou absente du CD34 (dans 90 % des cas) et du CD133.
- Selon la classification OMS : LAM avec mutation NPM1
Le gène et la protéine NPM1.
Physiologiquement NPM1 est une protéine navette qui passe constamment du noyau au nucléole puis au cytoplasme. Elle joue un rôle important dans la régulation de la synthèse des ribosomes et dans le contrôle de la duplication des centrosomes.
Dans les lymphomes anaplasiques à grandes cellules le gène NPM1, localisé en 5q35, est impliqué dans la translocation t(2;5), ce qui crée la protéine chimérique NPM-ALK.
Dans les LAM on observe des mutations (plus de 50, souvent sous la forme de petites duplications en tandem interne ITD) dans l'exon 12. Presque toutes les mutations aboutissent à une protéine mutée qui s'accumule dans le cytoplasme.
Dans le schéma de la leucémogenèse on peut évoquer que, faisant suite à 2 ou 3 mutations acquises au sein des CSH et préparatoires à la cancérisation, la mutation initiatrice de la leucémogenèse serait celle NPM1, suivie d'autres mutations coopératrices, comme FLT3-ITD.
Dans les autres hémopathies malignes les mutations de NPM1 sont très rares, sauf dans les LMMC à risque élevé de transformation en M4 ou M5.
Bibliographie.
Falini B et al. Blood Reviews 2011;25:247-254 Falini B et al. Blood 2011;117;1109-1120 Rau R et al. Hematol Oncol 2009;27:171-181.