Patiente de 46 ans
Entre dans le service de Gastro Entérologie pour hémorragie digestive.
Le diagnostic évoqué est celui d’une hépatite aiguë alcoolique sur cirrhose.
L’hémogramme à l’entrée (J0) montre une polynucléose neutrophile
Une infection bactérienne est évoquée, bien que la CRP soit = 10 mg/L.
(Les hémocultures, le liquide d’ascite, et les urines seront retrouvées stériles)

Hémogramme à l’entrée
Etalement sanguin réalisé pour 2 raisons:
Hb < 7 g/dL et première fois
PLT < 120 G/L chez un patient inconnu
Biologie à l’entrée.
Insuffisance hépato cellulaire :
TP = 38% ; TCA M/T = 43/29 ; fibrinogène = 1,67 g/L
Protides sanguins = 62 g/L , avec albuminémie = 22g/L et bloc Bêta gamma = 29 g/L
ASAT = 132 (N = 11-32) ALAT = 24 (N = 8 – 42)
Phosphatases alcalines = 156 (N= 31-104) GGT = 473 (N = 5 - 63)
Bilirubine totale = 68 µmol/L (N < 17) , avec B Libre = 25
Fer = 13.6 µmol/L Transferrine = 1.1 g/L
La recherche d'Ac anti HbS, HBC et HCV est négative.
Suites du dossier.
Une transfusion est prescrite dès l’entrée, et l’hémoglobine augmente de 1 g/dL le lendemain.
La patiente est mise sous antibiothérapie à large spectre
La polynucléose neutrophile s'amende partiellement à J5 (PNN = 11 G/L)

Deux jours plus tard (J7) la leucocytose augmente à nouveau et l’automate signale des anomalies :
Il ne rend qu’une formule partielle, et signale l’existence de cellules anormales (14.9%) hautement fluorescentes (HFC ; High Fluorescent Cells; Sysmex], correspondant probablement à des cellules lymphoïdes avec cytoplasme basophile (lympho activés, plasmo ?)
Messages d’alerte :
* suspicion de lymphocytes atypiques
* présence possible de lympho anormaux ou de blastes

Un frottis sanguin est réalisé.
Quelques images au faible grossissement,
Puis diverses images consécutives.




Frottis sanguin : fort grossissement




Lymphocytes, monocytes et neutrophiles ne présentent pas d'anomalie morphologique
Plasmocytose sanguine réactionnelle (infection)

Aspect de quelques unes des cellules apparues soudainement chez la patiente
Plasmocytose sanguine réactionnelle (infection)

Plasmocytose sanguine réactionnelle (infection)



Plasmocytose sanguine réactionnelle (infection)

Les cellules non classées par l’automate sont un mélange de plasmocytes et lympho plasmocytes réactionnels : il sforment une population assez hétérogène, bien différente de celle de plasmocytes de myélome

L’antibiothérapie est poursuivie.
8 j après son apparition la plasmocytose a disparu.
Aucune porte d’entrée infectieuse ne sera retrouvée.
La patiente quitte l’hôpital quelques jours plus tard
Ces plasmocytes réactionnels…
Où se localisent – ils sur les scattergrammes des divers automates d’Hémato cellulaire?
Morphologie de lympho plasmocytes et plasmocytes réactionnels :
Ressemblent +/- à des plasmocytes;
Population morphologiquement hétérogène :
rapport N/C variable ( souvent élevé pour les petites cellules),
noyau arrondi ou ovalaire, chromatine nucléaire dense (mature) nettement mottée, pas de nucléole,
une minorité de cellules peut montrer une taille plus élevée, d’aspect « immunoblastique », avec parfois une chromatine plus fine et nucléolée
De telles cellules sont observées dans le sang à la phase aiguë de l’infection bactérienne.
Le plus souvent leur nombre varie entre 2 et 15 % des leucocytes (rarement plus). Leur phénotype est CD19+ CD138+ IgM+.
Les automates d’hémogrammes Sysmex les repèrent par leur fluorescence très élevée; sur d’autres automates ils sont souvent mêlés aux autres lymphocytes immunostimulés.
Il faut savoir les différencier des :
- plasmocytes du myélome, au diagnostic ou à la rechute : contexte ; population cellulaire plus monotone, signes variables d’immaturité cellulaire ;
- lympho-plasmocytes des LNH lympho-plasmocytaires ;
- grandes cellules « immunoblastiques » des LNH diffus à grandes cellules (surtout lors de la rechute).
Quand on les observe, on peut affirmer un état infectieux : ils sont absents des états inflammatoires non infectieux.
Quelle est leur origine ?
Les lymphocytes (Ly) B « naïfs » produits par la moelle osseuse ont 3 destinées :
- QQ Ly B naïfs appelés B1 migrent surtout vers la cavité pleurale et l’intestin : ils peuvent proliférer et sécréter des Ac de type IgM (Ac naturels) sans stimulation Ag ni intervention des cellules T
- QQ autres Ly B naïfs se localisent dans la zone marginale (ZM) de la rate : ils peuvent reconnaitre des Ag et réagir en quelques heures sans intervention des Ly T [ils migrent alors de la ZM vers la pulpe rouge et prolifèrent sous forme de plasmoblastes et de lympho plasmocytes, pouvant sécréter des Ac IgM (pas de switch Ig)].
- La majorité des Ly B naïfs (= B2) circule dans les tissus à la recherche d’un antigène et, en cas de contact avec celui-ci (soit dans les tissus soit dans le ganglion via une cellule présentatrice d’Ag), migre rapidement vers un ganglion : ...
* Une voie de prolifération rapide (extrafolliculaire) produit les lympho-plasmocytes et des plasmocytes à vie courte, sécrétant des IgM (environ 7 j après contact avec l’Ag);
* La voie classique (folliculaire) : les Ly B2 prolifèrent et modifient leur génome (mutations somatiques, switch IgM →Ig G, ou A, ou E), pour aboutir après 14 jours à :
- des lymphocytes mémoires (migrent vers le sang et circulent plusieurs années),
- des précurseurs des plasmocytes, qui migrent dans la MO et se transforment en plasmocytes à vie longue sécrétant l’Ig G, A ou E.
[une stimulation par des ly T et la présence de cellules dendritiques sont nécessaires]
Bilan :
Après stimulation dans la rate ou/et par la voie extra ganglionnaire, les lympho-plasmocytes et plasmocytes néoformés peuvent transiter quelques jours dans le sang (avant d’essaimer vers d’autres ganglions) :
On peut donc les observer très précocement, à J1 ou à J7 d’une infection bactérienne, en parallèle de la production d’IgM, et 8 J avant le début de production d’Ac Ig G (ou A ou E).
Ref: Linssen et al. Identification and quantification of highly fluorescent lymphocytes as antibody synthesizing / secreting cells using the automated routine hematology analyzer XE-2100. Cytometry Part B (clinical cytometry) 2007; 72B:157-166.