Homme de 74 ans
L’exploration d’une toux persistante a fait découvrir un adénocarcinome pulmonaire gauche avec métastases ganglionnaires et osseuses. Lors du bilan pré thérapeutique une leuco-neutropénie est objectivée, ce qui motive l’hospitalisation pour bilan complémentaire.
Absence de particularité clinique (hormis celles liées au cancer pulmonaire ; notamment ni adénopathie ni splénomégalie)

Hémogramme
Neutropénie
Présence de cellules anormales en nombre significatif
Absence d’anémie et de thrombopénie

Frottis sanguin : faible grossissement

Frottis sanguin : fort grossissement
Neutrophile (morphologie normale) et lymphocyte

Neutrophile mature et cellule anormale

Eosinophile et cellule anormale

Lymphocyte et cellule anormale

Cellule anormale au centre, et une autre à gauche ?

Cellules anormales : plus grandes que des lymphocytes (jusque 20 – 25 µm de diamètre), avec noyau de contour plutôt régulier (pas d’anomalie nucléaire évocatrice de différenciation monocytaire), à chromatine fine et parfois un (voire plusieurs) nucléoles ; cytoplasme de basophilie modérée, sans granulations

L’aspect évoque celui de cellules blastiques


Hémogramme inhabituel pour une leucémie aiguë : neutropénie modérée sans anémie ni thrombopénie.
L’hypothèse d’une LA indifférenciée, d’une LA lymphoblastique, tout comme celle d’un LNH diffus à grandes cellules (mais la dissémination d’emblée est très rare) ou d’un LNH du manteau dans une forme blastoïde se discutent.

Myélogramme
Moelle pauvre, (nombreux globules graisseux : ponction en territoire peu hématogène ?).

Moelle osseuse : grossissement intermédiaire

Moelle osseuse : grossissement intermédiaire

Moelle osseuse : fort grossissement
Cellules d'aspect blastique

Les blastes sont hétérogènes en taille et forme, souvent plus grands que dans le sang (20 -30µm); cytoplasme abondant dans les cellules les plus grandes (rapport N/C parfois = 0.5 – 0.6), basophile et dépourvu de granulations;
Noyau ovalaire, de contour régulier sans encoche, avec une chromatine fine, le plus souvent 1 seul nucléole nettement visible et de taille moyenne, parfois centro cellulaire

Blastes

Blastes

Blastes, une cellule difficile à classer (au centre) et un lymphocyte granuleux en bas

Blastes

Blastes et un promyélocyte

Blastes et un lymphocyte

Blastes et un lymphocyte

Blastes
Myélogramme : Blastes = 65 %
Myélocytes = 2 % ; polynucléaires neutrophiles = 3 % ; Erythroblastes (tous stades) = 16 % ; lymphocytes = 12 % ; monocytes = 1 % ; plasmocytes = 1 %
Présence de quelques mégaloblastes intermédiaires (pas d'image) et quelques neutrophiles immatures et matures, sans signe de dysplasie

Cytochimie de la myéloperoxydase : négative dans les blastes
Estérases NASDA faiblement positives, sans inhibition par le NaF (pas d’image)

Cytométrie de flux
profil classique de LA Myéloïde, sans expression de la myéloperoxydase
- Caryotype : 47,XY, +11 [22] / 46,XY [2]
- Absence de mutation des gènes FLT3 (ITD ou D835), NPM1 et CEBPa.
- Classement cytologique :
Leucémie aiguë myéloblastique avec différenciation minime (OMS) ou LAM 0 (FAB)
Evolution.
La découverte d’une leucémie aiguë myéloblastique fait demander une relecture des biopsies pulmonaires : l’anatomopathologiste confirme l’adénocarcinome et exclut un sarcome granulocytaire.
Compte tenu de l'âge du patient d'une part et de la néoplasie pulmonaire sous jacente d'autre part, une chimiothérapie intensive n'est pas envisageable.
En l’absence de cytopénies notables une simple surveillance de l’hémogramme est proposée. En cas d’hyperleucocytose > 15 G/L un traitement par hydroxyurée sera instauré.
L’existence d’une hémopathie fait secondairement récuser le traitement du cancer pulmonaire.
Des radiothérapies localisées sur les métastases (à visée antalgique) sont proposées.
Le patient sera suivi 4 mois, sans modification notable de l’hémogramme.
Son décès surviendra 2 mois plus tard, sans information complémentaire.
Les LAM zéro sont très rares :
- Habituellement la moelle est richement cellulaire, avec 30 – 100 % de blastes (m = 81 %) [GFHC 2001, mais le seuil de définition d’une LAM était de 30 % de blastes médullaires].
- il faut que les blastes n’aient ni granulations ni corps d’Auer et soient négatifs pour les cytochimies (peroxydase et estérases),
- il faut que la cytologie et/ou le caryotype ne présentent pas d’anomalies morphologiques et/ou cytogénétiques associées aux myélodysplasies,
- il ne doit pas exister de mutation CEBPa ou NPM1.
Dans les cas présent il existe une petite population résiduelle de précurseurs granulocytaires, qui pourrait faire évoquer une LAM avec maturation, mais il n’y a aucune cellule en transition entre les blastes et les rares myélocytes.
La découverte d’une trisomie 11 isolée est un évènement rare, mais s'observe :
- dans les LAM (environ 0.1% des cas ; associée à un mauvais pronostic ; médiane de survie = 5 mois).
- au cours des SMD (0.3 % des cas), avec fort risque de progression en LAM.
- quelques cas ont été décrits également au cours de LAL-T et de LLC.
A partir d’une série de 18 cas, Alseraye et al (Int J Clin Exp Pathol 2011 ;4 :371-377) ont noté :
- 14/18 sont des LAM de novo
- % de blastes médullaires = 22 – 86 % (m = 65 %), avec 14 /18 pts ayant > 50 % blastes médullaires
- Tous types FAB, mais majoritairement LAM 1 ou LAM2 – FAB (14 / 18 cas), les autres étant : 2 LAM zéro, 1 LAM6, 1 LAM5a.
- Dans 4/18 cas : dysmyélopoïèse notable
- Absence de mutation NPM1 ou Kit (0/12 cas testés), mutation FLT3-ITD dans 25 % des cas.
- pas de profil immunophénotypique particulier.
Remarques.
- Les trisomies associées à d’autres anomalies (souvent au sein de caryotypes complexes) sont fréquentes dans les LAM, sans caractère pronostique particulier
- Par contre les trisomies isolées sont rares : les +8, +13, et +21 sont le splus fréquentes (90% du total des trisomies isolées)
Liens
Leucémie aiguë myéloblastique avec différenciation minime ou LAM 0