Homme de 62 ans consultant pour la découverte d'adénopathies cervicales bilatérales
Homme de 62 ans
Ce patient a constaté il y a 2 semaines l’existence de masses cervicales et a consulté son médecin traitant. Il s’agit d’adénopathies cervicales bilatérales, symétriques, d’environ 1 cm de diamètre chacune.
L’hémogramme réalisé retrouve une leucopénie (2.4 G/L), avec neutropénie (0.6 G/L) sans lymphopénie ou lymphocytose, associée à 7% de lymphocytes activés. Les sérologies MNI et toxoplasmose sont négatives : le patient est adressé en consultation spécialisée pour complément de bilan.
L'examen clinique montre un état général très satisfaisant, l'absence de signes d'évolutivité B, et la présence d'adénopathies de toutes les aires ganglionnaires superficielles, de 1,5 à 4 cm de diamètre chacune. La rate n'est pas perceptible mais l'abdomen est volumineux. L'auscultation pulmonaire est libre.
En plus de l’hémogramme (image suivante), les examens biologiques prescrits ne retrouvent pas de particularité notable (temps de Quick et TCA normaux, fibrinogène = 4.1 g/L, uricémie = 501 µmol/L (240<N<457), LDH = 237 U/L (N<240), fonctions rénale et hépatocellulaire normales) hormis une hyperprotidémie (83 g/L ; N < 80) avec hypergammaglobulinémie à 28,6 g/L (pic IgG Lambda) et albumine normale à 40,3 g/L.
Le syndrome tumoral ganglionnaire est évalué par le scanner : adénopathies cervicales, axillaires (maximum 6 cm à gauche), sus claviculaires, médiastinales, intra et rétro-péritonéales, iliaques externes gauches, avec une discrète hypertrophie splénique (13 x 6 x 13,7 cm). La TEP retrouve un hypermétabolisme de l'ensemble des adénopathies relevées sur le scanner.

Leucopénie, thrombopénie, pas d’anémie
Divers messages d’alerte, dont une suspicion de présence de blastes, nécessitant un examen microscopique

Présence de cellules anormales en nombre significatif

Frottis sanguin : faible grossissement
leucopénie ; 2 polynucléaires neutrophiles

Une cellule avec rapport N/C très élevé et un polynucléaire neutrophile

Deux cellules avec rapport N/C très élevé

Frottis sanguin : fort grossissement
Un lymphocyte granuleux et un neutrophile

Une cellule anormale

Les cellules anormales sont morphologiquement hétérogènes (rapport N/C variable, chromatine moyennement fine, pas de nucléole, cytoplasme faiblement basophile, pas de granulations)

Les cellules anormales sont morphologiquement hétérogènes (rapport N/C variable, chromatine moyennement fine, pas de nucléole, cytoplasme faiblement basophile, pas de granulations)

Frottis médullaire : faible grossissement
Richesse normale ; mégacaryocytes rares

Frottis médullaire : fort grossissement
On observe 65% de blastes, 10 % de granulocytes (tous stades de différenciation, sans anomalie morphologique), 12 % d’érythroblastes (parfois un peu mégaloblastiques), et 8% de lymphocytes.

Blastes

Environ 2/3 des blastes sont aisément reconnaissables : 15 à 20 µm de diamètre, rapport N/C = 0.7-0.8, noyau à chromatine claire et parfois nettement nucléolée, contour nucléaire plutôt régulier et arrondi (encoches nucléaires rares).

A côté des grands blastes, on retrouve environ 1/3 de blastes plus petits : 10-12 µm, rapport N/C proche de 1, chromatine dense non nucléolée, souvent au moins une encoche nucléaire.

Grands et petits blastes

Grands et petits blastes

Grands et petits blastes

Grands et petits blastes

Grands et petits blastes

Grands et petits blastes

En haut un petit lymphocyte contrastant avec les blastes

Probablement un lymphocyte à gauche et deux petits blastes au centre

A gauche du grand blaste, probablement un lymphocyte, et à droite deux petits blastes

Plus rarement les petits blastes ont un aspect proche de cellules centro folliculaires, ce qui pourrait orienter vers l’hypothèse morphologique d’un LNH haut grade secondaire à un LNH bas grade passé inaperçu (LNH double hit).

Quelques cellules ont des caractéristiques intermédiaires entre grands et petits blastes

Grands blastes avec noyau de contour bien irrégulier.

Plus rarement (1% des blastes) le contour nucléaire est particulier : une ou 2 petites masses de chromatine à l’aspect en volute de fumée.

Contour nucléaire particulier

Contour nucléaire particulier

Contour nucléaire particulier
Cytochimie de la myéloperoxydase : négative (pas d’image)

Immunophénotypage
Profil de type T2 de l'EGIL car présence de CD3 intracytoplasmique, CD7 et CD5 et absence de CD1a ou de CD3 de surface.
Caryotype : 46,XY,i(21)(q10) [12] / 46,XY, del(12)(p12)[4] / 46,XY
La technique FISH avec les sondes AML1 et TEL couplées retrouve 2 spots AML1 en place sur les mitoses anormales, et TEL n’est pas délété.
Suites de l’observation
Tableau évoquant un lymphome lymphoblastique : l’envahissement médullaire et la présence de blastes sanguins définissent une leucémie aiguë.
Classement : leucémie aiguë lymphoblastique de type T (LAL T2 – EGIL)
Une polychimiothérapie est mise en place sur une durée de 10 jours, et à distance l’hémogramme se corrige. Cependant des complications pulmonaires surviennent : d’abord une pneumocystose, puis quelques semaines plus tard une pneumopathie immuno-allergique type « poumon du fermier ». Les cures de chimiothérapie sont décalées.
Une récupération progressive de la fonction pulmonaire est objectivée 5 semaines plus tard. La réapparition de cellules anormales dans le sang est constatée à ce moment. La reprise des cycles de chimiothérapie ne permet pas une amélioration biologique, et il est constaté une détérioration clinique progressive avec réapparition d’adénopathies multiples.
Le patient décède 3 mois plus tard.
Dans une leucémie aiguë lymphoblastique B ou T :
- la moelle osseuse est habituellement massivement infiltrée de blastes (Blastes > 80 – 90 %).
- dans le sang le nombre de blastes est variable : de < 1 % à 100 %.
- divers sites extramédullaires sont souvent infiltrés, parmi lesquels : Ganglions, rate, système nerveux central, foie, testicules
Pour les lymphomes lymphoblastiques (environ 10% du total des LAL) :
- la moelle osseuse n’est pas infiltrée ou contient < 25 % de lymphoblastes (sinon c’est une LAL),
- il existe une infiltration d’un ou plusieurs organes : Peau, tissus mous, ganglions, os.