Monocytes, histiocytes, et monocytopoïèse; cellules dendritiques

                Les monocytes font partie du système des phagocytes mononucléés : ils proviennent de progéniteurs médullaires, sont présents dans le sang pendant 1-3 jours (Nb normal = 0.2 – 1 G/L), puis migrent dans les tissus où ils vont vivre plusieurs mois après s'être transformés en histiocytes à fonction macrophagique et immunitaire.

1. Monocytopoïèse.

S’effectue dans la moelle osseuse.

                La cellule souche hématopoïétique se différencie en cellule souche myéloïde, correspondant au progéniteur commun CFU-GEMM (Colony Forming Unit Granulocytaire, Erythroblastique, Mégacaryocytaire et Monocytaire) sous l'influence de diverses cytokines (SCF, Flt3-L, GM-CSF, IL-3).     Ultérieurement, la stimulation par l'IL-3 et le GM-CSF (Granulocyte Monocyte - CSF) oriente la différenciation du progéniteur commun myéloïde en progéniteur granulo-monocytaire CFU-GM.

                L’action du G-CSF stimule ensuite la différenciation en CFU-G (progéniteur de la lignée neutrophile), alors que l’action combinée du G-CSF et du M-CSF oriente la différenciation en progéniteur CFU-M puis en précurseur monocytaire.

Cinétique.

Durée de la différenciation des CFU-GM en monocytes sanguins = environ 5-7 j (soit 2-3 j de moins que pour produire des PNN).

                Le monocyte médullaire réside 1 j dans la MO, puis migre dans le sang périphérique où il est présent 1-3 j (3/4 des monocytes du compartiment vasculaire sont marginés), avant de migrer par diapédèse active au travers des parois vasculaires pour se localiser dans les divers tissus de l'organisme. Il se transforme alors en histiocyte, à fonction macrophage et immunitaire, et vit 3 mois à 3 ans.

                A la différence des polynucléaires neutrophiles, les monocytes et histiocytes sont encore capable de proliférer (bien que faiblement), et de synthétiser de nombreux composants (cytokines, autres).

2. Aspects morphologiques.

2.1. Les monocytes du sang et de la moelle osseuse.

Dans le sang on trouve 2 catégories de monocytes, matures et immatures, mais la distinction entre ces 2 catégories est sans intérêt en pratique quotidienne

Monocyte mature :

                    Grande cellule : 20 – 25 µm de diamètre, arrondie ou quadrangulaire, avec rapport N/C = 0,5 à 0,6.

                 Noyau allongé en ruban, « serpentiforme » ou « réniforme », avec pincements moins intenses que dans le noyau des PNN : les "lobes nucléaires" sont moins nettement individualisés (lobulé/indenté). Chromatine de couleur violacée, plus finement dessinée que celle du PNN, sans nucléole visible.

                Cytoplasme gris avec texture floconneuse et quelques granulations azurophiles très fines (= difficiles à individualiser, correspondant à « une fine poussière de granulations »). Des vacuoles cytoplasmiques sont parfois visibles.

Monocyte immature (appelé parfois monocyte médullaire) :

                     Grande taille : ressemble au monocyte mature mais souvent un peu plus petit

                    Noyau "convoluté", formé de 2 ou 3 masses arrondies. Chromatine et texture chromatinienne id. Monocyte mature; pas de nucléole net (convoluté/indenté)

                    Cytoplasme gris-bleu, parfois qq granulations azurophiles

Nombre = 0.2 – 1 G/L (adulte). Jusqu'à 1.2 G/L chez le NNé et le nourrisson

La majorité sont des monocytes matures, mêlés de quelques immatures. Le Nb de monocytes "immatures" augmente dans les monocytoses réactionnelles

Dans la moelle osseuse :

On observe à égalité monocytes matures et immatures.

On observé également un petit nombre de celules de morphologie intermédiaire entre le monocyte immature et le promyélocyte (mais pauvre en granulations)

En pathologie tumorale :

Promonocyte : silhouette de "monocyte" mais noyau avec repli(s)

                       Grande taille: 20 - 30 µm

                       Noyau : convoluté, mais la chromatine est fine;  il existe un (ou deux) repli(s) du noyau sur lui même (convoluté/indenté)

                       Cytoplasme variablement basophile, parfois qq granulations azurophiles

Monoblaste : aspect de grand blaste à noyau arrondi

                            Grande taille  : 20 - 30 µm

                            Noyau arrondi ou ovalaire , avec chromatine fine, souvent un volumineux nucléole unique (subcentral)

                           Cytoplasme variablement basophile, parfois qq granulations azurophiles

Remarques.

- Le monocyte a une taille assez superposable à celle du PNN, mais a une grande capacité d’étalement sur surface de verre, ce qui explique qu’il apparait sur frottis EDTA comme « la plus grande cellule du sang ».

- Quand le prélèvement est sans anticoagulant ( frottis réalisé avec du sang capillaire, ou frottis médullaire) le monocyte apparaît plus rétracté et plus petit.

- Les vacuoles cytoplasmiques sont pour partie des artéfacts, apparaissant après contact prolongé (> 4H) avec l'EDTA.

- Au cours des hypermonocytoses réactionnelles les monocytes peuvent présenter des signes « d’activation » : vacuolisation cytoplasmique, granulations nettement visibles (= monocytes médullaires).

2 .2. Les monocytes tissulaires ou histiocytes.

Les monocytes se transforment en histiocytes après sortie du compartiment sanguin.

                Le noyau devient soit arrondi soit hyperlobulé, puis devient ovalaire et en position excentrée dans la cellule ; la chromatine forme un réseau (= réticulée) ; pas de nucléole net (parfois petit nucléole bleu) ;

                Le cytoplasme grandit jusqu'à une taille de 30 – 70 µm de diamètre; il est clair, et contient quelques vacuoles et de rares granulations.

Histiocytes macrophages: l'activité de phagocytose (= macrophagie) se traduit par l’accumulation progressive dans le cytoplasme de débris de taille et de couleur variables selon les éléments phagocytés et les tissus considérés. Dans la moelle osseuse les histiocytes accumulent avec le temps des débris lipidiques riches en cires, appelés céroïdes ou céroïdes – lipofuchsines).

Les histiocytes et monocytes constituent le système des phagocytes mononucléés, autrefois appelé système réticulo-endothélial ou système réticulo-histiocytaire.

Selon leur localisation tissulaireles histiocytes ont des morphologies et des dénominations différentes :

Foie = cellules de Küpffer

Moelle osseuse = macrophages médullaires

Rein = cellules mésangiales intraglomérulaires

Cerveau = cellules de la microglie

Séreuses = macrophages des séreuses

Poumon = macrophages alvéolaires

Rate = macrophages sinusaux

Ganglions = macrophages sinusaux (dans les sinus), cellules interdigitées (régions T), cellules réticulaires dendritiques (centres germinatifs) : ce sont globalement les cellule sprésentatrices d’Ag ou CPA.

Os = ostéoclastes multinucléés (bien que certains pensent à une origine non monocytaire)

Granulomes (pathologie) = cellules multinucléées (par fusion de monocytes ou d'histiocytes)

Sous-endothélium des vaisseaux = cellules spumeuses riches en lipides (athérosclérose)

NB: la fusion de plusieurs histiocytes donne naissance à des cellules multinucléées appelées cellules de Langhans (observées dans diverses affections comme la tuberculose, la lèpre, la sarcoïdose).

 Promonocyte (moelle osseuse)

 Monocyte sanguin

 Histiocytes/macrophage

Promonocyte (moelle osseuse)

Monocyte sanguin

Histiocytes/macrophage

3. Principales caractéristiques de la lignée histio-monocytaire.

3.1. Le cytoplasme et les granulations.

Myéloperoxydase. Présente dans une partie des granulations. En pathologie tumorale la réaction cytochimique de la myéloperoxydase est soit négative soit faiblement positive (granulations dispersées dans toute la cellule).

Diverses estérases, pour la dégradation des composants phagocytés.

L’activité enzymatique de ces estérases peut être mise en évidence par diverses réactions enzymatiques :

                Estérase « spécifique » = mee avec le substrat alpha naphtyl butyrate,

                Estérase non spécifique = mee avec le substrat naphtol ASD acétate (NASDA estérase), qui peut être inhibée en présence de fluorure de sodium (l’inhibition est spécifique » à la lignée monocytaire)

Lysozyme. Il peut être m.e.e. par cytochimie. Le dosage dans le sérum et les urines constitue un moyen indirect d’apprécier la masse monocytaire (augmentée dans les leucémies à composante monocytaire) .

Autres composants : lipides (et des prostaglandines), glycogène.

Remarque.

Les réactions cytochimiques des estérases ne sont pas totalement spécifiques de la lignée monocytaire :

                -la NASDA estérase n’est pas inhibée par le NaF dans les histiocytes,

                - Les mégacaryocytes (et mégacaryoblastes) sont positifs pour la NASDA estérase, avec inhibition partielle en présence de NaF.

3.2. Antigènes de surface.

On retrouve les Ag suivants sur les monocytes  :

                                                                          - Antigène pan leucocytaire CD45

                                                                          - Antigènes myéloïdes CD33 et CD13, ansi que le CD11b.

                                                                          - Récepteurs pour le Fc des Ig G (CD64 = FC gamma RI, CD32 = Fc gamma RII, CD16 = Fc gamma RIII), des IgE (CD23)

                                                                          - Récepteurs de fractions du complément

                                                                          - Autres molécules exprimées : HLA-DR, CD38, CD163, diverses molécules d'adhésion dont le CD4

                                                                           - CD36, coexmrimé sur le splaquettes et les érythroblastes

                                                                          - Antigène monocytaire : CD14, protéine à ancre GPI, et récepteur du Lipopolysaccharide (LPS).

Dans le sang normal il y a 3 catégories de monocytes sur le plan phénotypique :

                    Monocytes "classiques" : au moins 80 % du total des monocytes                 CD 14 +  et  CD 16 -

                                                   morphologie mature; fonction = dédiés à la phagocytose, peu ou pas de fonction dans l'inflammation

                                                   (dans la LMMC le Nb de ces monocytes est élevé et un seuil > 94% du total monocytaire discrimine LMMC et autres pathologies)

                   Monocytes "non classiques" : environ 15 %                                                            CD 14 - ou faible  et CD 16 +

                                                 fonction = pas ou peu de fonction phagocytaire; essentiellement un rôle dans la réponse inflammatoire

                  Monocytes "intermédiaires" : envrion 5 %                                                              CD 14 +  et  CD 16 +

                                                monocytes transitionnels entre les 2 précédents : ils ont les deux fonctions (phagocytose et inflammation) 

4. Physiologie des monocytes et des histiocytes macrophages.

Les histiocytes ont une fonction de phagocytose, suivie de dégradation soit totale des débris à éliminer, soit partielle avec préservation des sites antigéniques.

4.1 La phagocytose = fonction immune naturelle.

- Chimiotactisme. Permet l’attraction des macrophages vers un territoire précis ;

- Adhésion aux éléments à ingérer (par l'intermédiaire du complément, des récepteurs du Fc des Ig, de récepteurs de la famille Toll-like, qui joue un rôle majeur dans la détection et la reconnaissance des pathogènes).

- Ingestion (phagocytose) des particules. Les composants phagocytés ont 2 destinées :

                Digestion et dégradation = fonction d’épuration (par exemple en physiologie la phagocytose et digestion des GR vieillis avec recyclage du fer vers l’érythropoïèse, et en pathologie la phagocytose des cellules sanguines (GR, PLT, leucocytes) sensibilisés par un Ac et/ou le C’ lors des cytopénies immunes) ;

                Formation de peptides antigéniques lors de la phagocytose des éléments étrangers à l’organisme, base de la réponse immunitaire.

               

4.2. La réponse immunitaire (adaptative) : la fonction CPA.

                Les molécules antigéniques préservées lors de la phagocytose d’éléments étrangers sont couplées aux molécules HLA de classe II, puis localisées à la membrane externe et présentées aux lymphocytes T et B : les histiocytes sont alors appelés cellules présentatrices d'antigènes (CPA, ou APC, ou Antigen Presenting Cells).

Les CPA se trouvent principalement dans la peau (au niveau de l'épiderme se sont les cellules de Langerhans), dans les ganglions, la rate et le thymus.

Dans les ganglions les CPA se localisent dans les régions T où elles se connectent à des lymphocytes T (ces CPA s'appellent alors cellules interdigitées). D'autres CPA se localisent dans les régions B (centres germinatifs) = dans ces régions B on les appelle cellules folliculaires (ou réticulaires) dendritiques.

L'Ag est ensuite transmis aux cellules lymphoïdes pour provoquer les modifications nécessaires à la suite de la réponse immunitaire spécifique.

4.3. La sécrétion de cytokines.

                Acteurs majeurs de la réponse immunitaire, inflammatoire et antitumorale, les monocytes et macrophages peuvent synthétiser et sécréter de nombreux composants après stimulation:

- chimioattractants : pour les neutrophiles, monocytes, lymphocytes T

- facteurs stimulant ou régulant la myélopoïèse : G-CSF, GM-CSF, M-CSF, Il-8, IL-1

- IL-6 : cytokine stimulant la synthèse de protéines pro inflammatoires (également facteur de croissance indirect) ;

- Interférons : action antivirale et antitumorale ;

- TGF bêta : limite les réponses immunes, stimule l'angiogenèse ;

- TNF alpha: médiateur de la fièvre, anorexie, cachexie, état de choc, fuite capillaire; effet antitumoral et inhibiteur de l'hématopoïèse.

4.4. La coagulation sanguine.

                Au cours des états inflammatoires les monocytes produisent du facteur tissulaire. Par exemple au cours de l'infection, cette induction est induite par l'endotoxine qui se lie au CD14, et/ou l'activation plaquettaire.

Les monocytes ont également un rôle dans la fibrinolyse (négatif).

5. Les cellules dendritiques (DC)

= cellules spécialisées dans la capture, la modification et la présentation des Ag (= CPA).

Sont hétérogènes en termes d’origine, de localisation tissulaire et d’expression d’Ag de surface.

Origine : moelle osseuse.

La CSH (cellule souche hématopoïétique) donne naissance à 3 types cellulaires :

                     CLP = progéniteur commun lymphoïde : produit les lymphocytes mais aussi les cellules dendritiques plasmocytoïdes

                     Progéniteur des cellules dendritiques (lin- Flt3+) = donne naissance successivement à un progénieur commun Monocyte-dendritique, puis à un progéniteur commun aux cell. dendritiques lymphoïdes et migratoires

                     CMP : progéniteur commun myéloïde qui produit les cellules myéloïdes dont les monocytes, lesquels donnent naissance aux cellules dendritiques migratoires (intersitielles, de Langerhans, productrices de TNF alpha et d’oxyde nitreux)

La régulation est assurée initialement par le Flt3L, puis par le GM-CSF, à divers niveaux.

Les cellules pré – dendritiques quittent la MO pour se localiser soit dans les tissus lymphoïdes soit les divers tissus non lymphoïdes de l’organisme.

diapo-dendritique

Marqueurs.

- Cellules dendritiques  plasmocytoïdes: CD11c-, CD123 +, HLA-DR+     (Sang, MO, rate, amygdale, ganglions)

- Cellules dendritiques  myéloïdes (migratrices et lymphoïdes) : CD11c+, HLA-DR+    (Sang, MO, rate, amygdale, ganglions)

(plus de détails : Van de Laar Blood 2012)

Leucémies aiguës à cellules blastiques dendritiques.

Souvent : anomalies cutanées à la présentation.

La blastose sanguine est faible (médiane sur 50 cas = 0.5 G/L), retrouvée dans 50% des cas, mais l’infiltration de la MO est un peu plus fréquente et est + importante.

Morphologie : sans particularité, ou parfois un noyau excentré, un cytoplasme clair avec un aspect en miroir à main ou en doigt de gant, avec parfois des vacuoles (+/- en « collier de perles »).

La CMF montre CD4+ CD56 +, CD36+, HLA DR +, CD123 ++, CD303 + (75% des cas mais spécifique), CD304 + (80% des cas mais non spécifique), et absence de marqueurs B, T ou myéloïdes (Gernache, GFHC 2011) .

Parfois le CD56 est faible, voire négatif. On observe alors une positivité pour 1 ou 2 Ag My ou Ly, et on a peut-être des formes de transition avec des LAM0 (au moins pour la morphologie)

Références

Goasguen JE et al. Morphological evaluation of monocytes and their precursors. Haematologica 2009;94:994-997 

Liu K, et al. Development and homeostasis of dendritic cells. Eur J Immunol 2010;40:2099–2102.

Selimoglu-Buet et al. Blood 2015; 125 : 3618-26

Van de Laar L, et al. Regulation of dendritic cell development by GM-CSF: molecular control and implications for immune homeostasis and therapy. Blood 2012;119:3383-93

Ziegler-Heitbrock et al. Blood 2010; 116: e74-e80

Octobre 2015