Leucémie Chronique à Eosinophiles et hémopathies Myéloïdes/Lymphoïdes avec éosinophilie et anomalies PDGFRA,B, ou FGFR1

Après avoir exclu les diverses éosinophilies réactionnelles (voir étiologie des éosinophilies), on classe les éosinophilies en fonction de la présence ou non de certaines anomalies cytogénétiques ou moléculaires

Leucémie chronique à éosinophiles sans autre spécification

 

(Chronic Eosinophilic Leukemia, not otherwise specified, CEL-NOS)

Dans la classification OMS : fait partie des syndromes myéloprolifératifs

Maladie cancéreuse rare, résultant de la prolifération clonale de précurseurs éosinophiles et aboutissant à une éosinophilie sanguine, médullaire, et tissulaire, provoquant des atteintes d'organes par libération de médiateurs toxiques contenus dans les granulations (cytokines, enzymes, protéines).

Les pts concernés sont parfois asymptomatiques (éosinophilie isolée) mais souvent divers organes peuvent être atteints : cœur, poumons, système nerveux central, tractus digestif, et peau.

Les signes cliniques sont en rapport : fibrose endomyocardique, troubles valvulaires, neurophthie périphérique, toux, diarrhées, prurit.

Biologie.

Hémogramme.

Eosinophilie marquée : essentiellement des cellules matures (myélémie éosinophile rare et modéré)

Diverses anomalies morphologiques non spécifiques, partagées avec les éosinophilies réactionnelles : augmentation de taille, hyper- ou hyposegmentation nucléaire, défaut +/- complet en granulations, présence de granulations volumineuses ou pourpres (= immatures), vacuoles cytoplasmiques

Recherche attentive de blastes : indispensable. Si positive, le Nb est

Parfois : polynucléose neutrophile, monocytose, petit excès de polys basophiles

[parfois les aCML ont un excès d'éosinophiles, mais il y a dysgranulopoïèse, myélémie > 10%]

Myélogramme

Richement cellulaire avec hyperplasie éosinophile (tous stades présents).

Erythroblastes et mégacaryocytes : pas de particularités

Dysgranulopoïèse possible

Blastes : en nombre

Des cristaux de Charcot-Leyden sont fréquents, constitués des EBP et ECP relarguées par les granulations éosinophiles.

Diagnostic positif et différentiel

De nombreux critères d'exclusion pour aboutir au diagnostic de Leucémie chronique à éosinophiles :

1. Eosinophilie ≥ 1.5 G/L

2. Absence de chromosome Ph1, ou de gène de fusion BCR-ABL1 ou de toute anomalie évoquant un autre syndrome myéloprolifératif (TE, Vaquez, SMC) ou un syndrome myélodysplasique/ myéloprolifératif (LMMC, aCML)

3. Absence de réarrangement PDGFRA : gène de fusion FIP1L1-PDGFRA ou autre

4. Absence de réarrangement PDGFRB : t(5;12)(q31-q35;p13) ou autre

5. Absence de réarrangement FGFR1

6. Blastoses sg et médullaire

7. Il existe une anomalie cytogénétique ou moléculaire clonale, ou le % blastes est > 2% dans le sang ou > 5 % dans la MO

Hyperéosinophilie idiopathique et Syndrome hyperéosinophile idiopathique

Définis chez un pt avec éosinophilie > 1.5 G/L sur > 6 mois, et après avoir exclu :

                                            une éosinophilie réactionnelle

                                            un SMP, un SMP/SMD, une mastocytose systémique,

                                            une production de cytokines excessive par une population T aberrante

                                            que l'on n'a pas pu prouver la clonalité éosinophile et qu'il n'y a pas d'excès de blastes

S'il existe des atteintes d'organes en relation avec l'éosinophilie : on évoque un syndrome hyperéosinophile idiopathique

En l'absence d'atteinte d'organe : hyperéosinophilie idiopathique

Pathologies myéloïdes/lymphoïdes avec éosinophiles et anomalies des gènes PDGFRA, PDGFRB, FGFR1, ou PCM1-JAK2.

Dans la classification OMS 2016 : correspondent à un groupe spécifique

Groupe de pathologies ayant en commun une éosinophilie et une anomalie moléculaire impliquant un gène de fusion à forte activité tyrosine kinase ou kinase

Anomalie PDGFRA

Synopsis :

Eosinophilie, augmentation de la tryspase sérique, augmentation des masocytes médullaires

Délétion cryptique en 4q12, avec fusion FIP1L1-PDGFRA, mais au moins 66 partenaires différents

Bonne réponse aux ITK

Atteint surtout les hommes (M/F = 17/1), entre 20 et 55 ans

Atteinte d'organes comme dans la leucémie chronique à éosinophiles (CEL) ; splénomégalie presque constante, hépatomégalie plus rare.

Hémogramme

Eosinophilie : en général > 1.5 G/L, sans anomalies morphologiques spécifiques (anomalies = celles décrites pour les CEL)

Neutrophiles : chez une partie des patients on observe un mélange de PNN avec granulations hypercolorées et de PNN avec granulations peu colorées.

Anémie et thrombopénie sont rares.

Myélogramme.

Richement cellulaire, avec excès d'éosinophiles à tous stades; pas d'excès de blastes

En général: excès de mastocytes, avec un aspect en fuseau ou d'autres anomalies morphologiques se rapprochant de celles observées dans la mastocytose systémique, et les mastocytes expriment aussi les CD25 et parfois même le CD2. Par contre ils ne forment pas de clusters cohésifs et ne sont pas mutés KIT (les réarrangements PDGFRA et KIT sont mutuellement exclusifs).

Ceci explique la nécessité de rechercher l'anomalie FIP1L1-PDGFRA chez les pts avec excès de mastocytes et éosinophillie (on reclasse ici si l'anomalie génique est retrouvée)

Autres.

Les éosinophiles présentent des marqueurs d'activation : CD25, CD23, CD69

Tryptase sérique modérément augmentée (moins que dans la mastocytose)

Vitamine B12 sérique très élevée

Aspects moléculaires

Le caryotype est habituellement normal, mais parfois un réarrangement chromosomique est retrouvé (t(1;4) ou t(4;10)), ou une autre anomalie (trisomie 8)

Le gène de fusion FIP1L1-PDGFRA peut être recherché par RT-PCR ou nested RT-PCR, ou par FISH

Mais on peut retrouver d'autres gènes de fusion impliquant PDGFRA et un autre partenaire que FIP1L1

Commentaires.

Le traitement avec inhibiteur de tyrosine kinase est très efficace

Anomalie PDGFRB

Eosinophilie, avec monocytose mimant une LMMC

t(5;12)(q31~33;p12) ETV6-PDGFRB, fusionnant ETV6 et PDGFRB (mais > 25 partenaires différents possibles, avec des caryotypes différents)

Plus fréquente chez les hommes, après la quarantaine.

Splénomégalie presque constante; atteinte cutanée et d'organes par relargage de cytokines éosinophiles sont possibles.

Sang et moelle osseuse sont constamment atteints : aspect de LMMC avec éosinophiles

Parfois présence de mastocytes dans la MO, avec aspect en fuseau.

Blastes Sg et MO

Présentations plus rares : aCML, ou LAM, ou LMMC avec anomalies génomiques impliquant un gène autre que ETV6 (sensibilité moindre aux ITK)

Bonne réponse aux ITK

Anomalie FGFR1

Atteignent des pts de tous âges mais souvent jeunes (médiane vers 30 ans).

S'appelaient aussi "syndrome myéloprolifératif 8p11", car l'anomalie moléculaire la plus fréquente correspond à une translocation avec fusion de FGFR1 (8p11) avec ZNF198 (13q12)

Maladies de présentation hétérogène, pouvant se présenter comme un syndrome myéloprolifératif en transformation, ou d'emblée comme une LAL-T  (ou un lymphome lymphoblastique T) ou une une LAM

Sang (éosinophilie dans > 90 % des cas), moelle, ganglions, rate et foie sont les organes principalement atteints.

Pronostic plutôt péjoratif, car, bien qu'impliquant une tyrosine kinase, la maladie n'est pas sensible aux ITK.

Anomalie PCM1-JAK2  (entité provisoire):

                        Eosinophilie, se présente souvent comme une LAL –T ou B ; la MO montre une prédominance d’érythroblastes (souvent immatures), et des agrégats lymphocytaires

                      t(8;9)(p22;p24.1) PCM1-JAK2

                      Semble répondre aux inhibiteurs de JAK2

Commentaires généraux concernant les hémopathies avec éosinophiles.

Les patients se présentant avec une myéloprolifération riche en éosinophiles (comme une CEL), ou une LAM ou une LAL avec nombreux éosinophiles, devraient systématiquement bénéficier d'une étude moléculaire de PDGFRA, PDGFRB, FGFR1 et PCM1-JAK2.

Certains patients ayant un tableau de CEL sans anomalie moléculaire sont sensibles aux ITK

Un excès de mastocytes, avec des anomalies morphologiques et immunologiques mimant celles des mastocytoses  est fréquent : la recherche des anomalies PDGFRA, PDGFRB, et FGFR1 dans les mastocytoses avec éosinophilie est nécessaire pour reclasser les patients dans les catégories ci-dessus.

Références.

Swerdlow SH, et al. WHO classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. IARC Press, Lyon, 2008.

Vardiman JW et al. The 2008 revision of the WHO classification of myeloid neoplasms and acute leukemia: rationale and important changes. Blood 2009;114:937-951.

Klion AD. Eosinophilic myéloproliferative disorders. ASH Education Program Book 2011,pp 257-263.

Vardiman J, Hyjek E. WHO classification, evaluation, and genetics of myeloproliferative neoplasm variants. ASH Education Program Book 2011,pp 250-256.

Mai 2016