1. Définition, épidémiologie et aspects cliniques
Définition.
- Prolifération maligne et systématisée de la lignée granulocytaire sans blocage de maturation.
- Fait partie des syndromes myéloprolifératifs chroniques (SMP).
- Une anomalie cytogénétique est constamment associée à la maladie : le chromosome Philadelphie (Ph1), qui génère une protéine de fusion à forte activité tyrosine kinase, responsable de l’hématopoïèse leucémique.
- La plupart des cas de LMC en phase chronique sont diagnostiqués avec l’hémogramme et la détection du chromosome Philadelphie t(9;22)(q34.1;q11.2), ou plus spécifiquement de l’anomalie moléculaire BCR-ABL1. Cependant une aspiration médullaire est indispensable pour obtenir suffisamment de matériel pour obtenir un caryotype complet et pour confirmer morphologiquement la phase chronique.
Du fait des traitements utilisant un ITK, les patients peuvent espérer une durée de vie normale, mais un suivi régulier de la maladie résiduelle moléculaire et l’absence d’évolution cytogénétique sont indispensables pour appréhender la résistance aux ITK et détecter une progression de la maladie. L’OMS 2016 propose, sous forme d’entité provisoire, des critères liés à une résistance aux ITK.
Epidémiologie.
Maladie rare : 1000 nouveaux cas / an en France (incidence = 1-2 nouveaux cas / 100 000 H/an)
Découverte à tout âge : plus fréquente chez l'adulte au-delà de 60 ans (médiane d'âge au diagnostic = 67 ans), moins de 10% des cas avant l'âge de 20 ans.
Discrète prédominance masculine : sex ratio = 1,1 à 1,2.
Etiologie inconnue, mais dans 5% des cas elle est secondaire à une exposition chronique au benzène ou aux radiations ionisantes.
Aspects cliniques.
Dans 50% des cas : absence de symptômes ; la découverte est fortuite avec l’hémogramme.
La splénomégalie est quasi constante (asymtomatique dans 50% des cas), de volume modéré à très important, indolore, mobile avec la respiration et isolée (l’échographie abdominale en définit précisément la taille, +/- proportionnelle à l'hyperleucocytose).
Absence d'adénopathies
Autres signes (inconstants) :
- asthénie, sueurs nocturnes, perte de poids.
- plus rarement : complications thrombotiques inaugurales
2. Hémogramme
Anémie modérée.
Origine : centrale par insuffisance de production, et +/- périphérique par hypersplénisme
Hémoglobine : 11-13 g/dL; 10 g/dL chez 15% des pts (Hb plus basse si forte hyperleucocytose)
L'anémie est normochrome normocytaire, non régénérative.
Morphologie des hématies : normale sur frottis. Présence de quelques hématies en larme (dacryocytes) quand la splénomégalie est volumineuse.
Nombre d’érythroblastes circulants : 2%
Hyperleucocytose franche.
N° leucocytes : > 100 G/L dans 50% des cas, pouvant atteindre 500 G/L (médiane au diagnostic = 105 G/L)
Polynucléose neutrophile avec myélémie importante.
Polynucléaires neutrophiles : 40 -60 %
Myélémie : 30 - 60 % ; essentiellement des métamyélocytes et myélocytes, et quelques promyélocytes ( 5 %).
Blastes non différenciés et myéloblastes : 3 % (si Nb élevé : envisager une phase accélérée).
Absence de dysgranulopoïèse.
Excès quasi constant de granulocytes basophiles jusqu’à 10 - 15% du total leucocytaire.
Petit excès d’éosinophiles : pouvant parfois dépasser 10 G/L (= 5 - 20% du total leucocytaire)
Lymphocytes : nombre N mais parfois augmenté en valeur absolue (augmentation du Nb de lymphocytes T)
Monocytes : nombre normal (sauf très rares cas d’hypermonocytose associée à un transcrit particulier; vois plu sloin)
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Frottis sanguin : 1 neutrophile mature, 2 myélocytes et 1 promyélocyte, 1 éosinophile et 2 basophiles |
La myélémie augmente avec la leucocytose |
N° plaquettaire : augmentée dans 50 % des cas (parfois > 1000 G/L) (diagnostic différentiel à envisager avec la TE si l’hyperleucocytose est modérée, mais il n’y a pas de Ph1 dans la TE)
Présence de quelques noyaux nus de mégacaryocytes sur frottis sanguin dans 25% des cas
3. Myélogramme
Nécessaire au diagnostic pour : * définir le % blastes (phase d’accélération ou blastique débutante ?)
* réaliser le caryotype et l'étude moléculaire.
Ponction médullaire facile à réaliser ; os de dureté normale (à l’opposé de la splénomégalie myéloïde)
Frottis médullaires : richement cellulaires.
- Les mégacaryocytes sont en nombre normal ou augmenté, souvent de taille réduite et avec noyau peu segmenté.
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Sur cette image : Mégacaryocytes nombreux, de taille réduite (pt avec hyperthrombocytose) |
- Hyperplasie globale de la lignée granuleuse (tous stades bien représentés), habituellement sans excès de blastes (si blastes > 5%, envisager une phase accélérée)
- Excès d’éosinophiles et de basophiles, en parallèle de l’excès sanguin.
- Erythroblastopénie, classiquement 10 %
- Dans 30 % des cas : présence d’histiocytes riches en lipofuchsines de coloration +/- bleue appelés histiocytes bleu-de-mer ou pseudo-Gaucher (phagocytose excessive de leucocytes sénescents)
Biopsie ostéomédullaire : pas indispensable au diagnostic.
* Moelle très riche avec raréfaction ou disparition des adipocytes : hyperplasie granulocytaire: rapport G/E = 10 – 30 (normale = 2-5)
* Myélofibrose absente, ou modérée de type réticulinique (plutôt associée aux formes avec volumineuse splénomégalie et/ou anémie et/ou excès de blastes).
4. Caryotype
Sur prélèvement de sang si myélémie nette, sinon sur prélèvement médullaire.
Dans > 95% des cas : présence du chromosome Philadelphie ou Ph1 qui correspond à un chromosome 22 raccourci, résultat de la translocation réciproque et équilibrée entre les bras longs des chr 9 et 22 : t(9;22)(q34;q11).
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Caryotype médullaire montrant un chromosome 22 raccourci correspondant au chromosome Philadelphie (image : F Brizard, Poitiers) |
Sur le bras long du chromosome 9 le gène ABL (abelson) se coupe (souvent entre les régions Ib et a2) et sa partie télomérique (a2 …e19…) vient se localiser à la place de la partie télomérique du bras long du chromosome 22, après b2,b3,…, dans une région appelée BCR (breakpoint cluster region)
Cette translocation aboutit à un chromosome 22 très court (= Ph1) sur lequel se trouve le gène chimérique BCR-ABL, formé du début de BCR et le la fin d’ABL
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Dans 5% des cas le Ph1 n’est pas retrouvé tel quel, mais impliqué dans des translocations complexes (= Ph1 masqué)
Au diagnostic le Ph1 est généralement isolé (= pas d’autre anomalie).
Parfois on retrouve une ou quelques anomalies associées (trisomie 8 ou 19, duplication du Ph1, anomalies du 17) qui correspondent à une évolution clonale.
Remarque : - Le Ph1 est présent dans toutes les cellules myéloïdes et lymphocytaires B, plus rarement dans les lymphocytes T)
5. Biologie moléculaire
La translocation juxtapose une partie du gène bcr (breakpoint cluster région) du chr 22 de l'oncogène Abelson (c-abl) situé sur le chr 9.
La conservation du cadre de lecture permet la synthèse d'ARN messagers hybrides dits chimériques comportant des séquences bcr en 5' et c-abl en 3'.
Les points de cassure sont regroupés entre Ib et Ia sur abl, alors qu’il existe plusieurs régions de cassure sur bcr :
- La région M bcr (Major bcr) est majoritairement impliquée dans la LMC: le transcrit est b3a2 (= e14a2 dans 60% des cas) ou b2a2 (= e13a2 dans 35% des cas). L'ARN chimérique bcr/abl est traduit en une protéine de fusion p210 bcr/abl ayant un pouvoir oncogénique avec très forte activité tyrosine kinase.
Remarque : on peut retrouver les 2 transcrits chez 5 à 10% des pts
- La région m bcr (minor bcr) est impliquée dans 0.4 % des LMC: le transcrit est e1a2, qui produit la protéine p190 (ce transcrit est fréquemment associé à : monocytose, absence de basophilie, et absence de splénomégalie (par ailleurs m bcr est retrouvé dans environ 2/3 des LAL Ph+)
- La région µ bcr (micro bcr) est impliquée dans 0.1 % des LMC: le transcrit est e19a2, qui produit la protéine p230 (thrombocytose au premier plan, parfois > 1000 G/L et pouvant être isolée).
Mise en évidence de l’anomalie :
On recherche et on quantifie le transcrit chimérique par technique RQ-PCR : Rétrotranscription (ARNm transformé en ADN complémentaire puis amplifié par PCR) et Quantification en temps réel
Le ratio initial de transcrit chimérique par rapport au gène ABL [BCR-ABL/ABL] reflète la masse leucémique totale : il sera mesuré régulièrement pour le suivi de l'efficacité thérapeutique.
Remarque : il existe un kit permettant la mise en évidence de la protéine de fusion par cytométrie de flux, utilisant des billes recouvertes d’Ac ajoutées à un lysat de cellules à tester.
Pathogénie moléculaire
L’activité tyrosine kinase de BCR-ABL est très augmentée (200 fois) par rapport à celle de ABL seule, et a au moins 2 effets dans la LMC :
- stimulation des voies de signalisation et de prolifération, augmentant la prolifération et diminuant l’apoptose : augmentation du compartiment myéloïde ;
- modulation des réponses aux lésions de l’ADN et mutagenèse via les ROS (radicaux libres oxygénés), qui provoquent : instabilité génomique, mutations supplémentaires, doublements géniques, translocations et cassures chromosomiques supplémentaires.
6. Autres examens biologiques.
- Hyperuricémie (témoin de l'hypercatabolisme cellulaire).
- Augmentation des LDH sériques.
- Augmentation de la vitamine B12 sanguine, jusqu'à 10 fois la normale, par augmentation du transporteur transcobalamine 1 synthétisé par les granulocytes ( mais cette vit B12 est peu disponible pour l'hématopoïèse)
- Artéfacts biologiques (in vitro) observables chez les patients très hyperleucocytaires :
* pseudohyperkaliémie si analyse faite sur sérum, secondaire au relargage de potassium par les leucocytes lors de la coagulation dans le tube;
* hypoglycémie et hypoxémie de consommation par les leucocytes.
- La cytochimie des phosphatases alcalines leucocytaires (PAL; absence de positivité pour cette enzyme au Dg de la LMC) n'est plus prescrite.
7. Diagnostic différentiel
7.1. Devant une polynucléose neutrophile avec myélémie
La situation clinique est généralement bien différente.
- Etats infectieux ou inflammatoires sévères : mais la N° leucocytaire est rarement > 50 G/L, la myélémie modérée 15%, et il n’y a pas d’excès de polynucléaires basophiles.
- Syndrome paranéoplasique par synthèse de cytokines stimulant la granulopoïèse : N° leucocytaire parfois > 100 G/L, mais sans myélémie.
7.2. Les autres syndromes myéloprolifératifs
- Dans quelques cas (5-10 %) la LMC peut se présenter sous une forme où la polyglobulie ou l’hyperthrombocytose prédominent : ceci justifie la recherche systématique d’un remaniement bcr-abl au cours de toutes les polyglobulies vraies et les TE.
La recherche de la mutation JAK2 n’est jamais présente dans la LMC.
- La splénomégalie myéloïde chronique peut être initialement hyperleucocytaire, mais il existe alors une érythromyélémie (érythroblastes = 2 - 10%), et des anomalies morphologiques franches des hématies (anisopoïkilocytose, nombreuses hématies en larme) et des plaquettes (macrothrombocytes). Outre l’absence de Ph1, la ponction médullaire est de réalisation technique difficile (os très dur) ; la BOM permet le diagnostic définitif.
7.3. Les syndromes myéloprolifératifs / myélodysplasiques.
- Dans sa forme proliférante la leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) associe splénomégalie, hyperleucocytose, polynucléose neutrophile et myélémie : mas il existe une monocytose excessive (> 1G/L), la myélémie est plus modérée, une dysgranulopoïèse est souvent présente. Il n’y a pas de chromosome Ph1.
- Les exceptionnelles LMC atypiques ressemblent plus ou moins à des LMMC proliférantes, et sont toujours Ph1 négatives.
8. Pronostic.
Plusieurs scores sont utilisés pour définir le pronostic initial du patient, tenant compte de l’âge, du volume splénique, de la N° plaquettaire, du nombre de blastes, éosinophiles et basophiles sanguins. On peut calculer des scores (risque faible, intermédiaire, élevé d’évolution vers la phase blastique) en consultant les sites internet :
Score de SOKAL (1984) : prend en compte l'âge, le volume splénique, la N° plaquettaire et le % de blastes sanguins (voir : http://www.roc.se/sokal.asp )
Score EURO (ASHFORD, 1998) : prend en compte l'âge, le volume splénique, la N° plaquettaire et le % de blastes, le % de basophiles sanguins, et le % d'éosinophiles (voir http://www.pharmacoepi.de/cgi-bin/cmlscore.cgi )
Score EUTOS (2011) : prend en compte le volume splénique et le % de basophiles sanguins (voir http://www.leukemia-net.org/content/leukemias/cml/eutos_score/index_eng.html
Ces scores définissent les risques relatifs (faible, intermédiaire, élevé) : il semble actuellement que les patients de risque intermédiaire n'aient pas une évolution différente de ceux du groupe de faible risque.
9. Evolution : de la phase chronique à la phase blastique.
* En l’absence de traitement la LMC évoluait le plus souvent en 3 phases successives : chronique, puis accélérée, puis blastique, cette dernière correspondant à une leucémie aiguë et survenant 3 à 8 ans après le diagnostic.
* Les traitements myélofreinateurs (busulfan, hydrea) diminuent la leucocytose et le volume splénique, mais sont sans effet sur la durée de la phase chronique et le délai d'apparition de la phase blastique.
* L’utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase a modifié l’évolution naturelle de la maladie : la durée de la phase chronique est allongée, avec un rythme de transformation blastique = 1-2 % par an.
* Avec le traitement ITK la phase blastique de la maladie est plus rare et ses critères de définition sont moins universellement acceptés. L’OMS 2016 propose des critères en ce sens.
Les critères de la phase chronique.
Un pt recevant un traitement est en phase chronique si les critères sanguins suivants sont présents (Jabbour et al. Blood 2011 ;117 :1822-7):
blastes 15 %
blastes + myéloblastes 30 %
basophiles 20 %
N° PLT > 100 G/L
Ces critères permettent de ne pas considérer une partie des patients comme étant en phase accélérée ou blastique pour l'inclusion dans des protocoles
La phase accélérée.
Elle est présente chez 10% des pts dès le diagnostic ou apparaît en cours de traitement : en l’absence de traitement elle précède de 3 à 12 mois la phase blastique.
Certains des signes cliniques de la phase blastique (voir plus loin) sont parfois retrouvés.
Critères de la phase accélérée de la LMC (OMS 2016) : un ou plusieurs des critères suivants.
- Persistance ou augmentation de la splénomégalie, ne répondant pas au traitement
- Persistante ou augmentation du Nb des leucocytes au-delà de 10 G/L, ne répondant pas au traitement
- Persistance ou augmentation de la thrombocytose (> 1000 G/L), ne répondant pas au traitement
- Persistance d’une thrombopénie 100 G/L, sans lien avec le traitement
- Présence d’au moins 20% de basophiles dans le sang
- Présence de 10-19% dans le sang et ou la moelle osseuse
- Présence d’anomalies cytogénétiques clonales additionnelles au Ph1, incluant les anomalies de première importance (doublement du Ph1, trisome 8, isochromosome 17q, trisomie 19), ou un caryotype complexe, ou des anomalies en 3q26.2
- Toute anomalie clonale nouvelle dans des cellules Ph1+ survenant pendant le traitement
De grandes plages de petits mégacaryocytes anormaux associées à une fibrose réticulinique ou collagène dans les BOM évoque une phase blastique, mais habituellement les autres critères de la liste ci-dessus sont déjà présents
La découverte de lymphoblastes dans la MO, même en nombre 10% est suspecte de transformation aiguë et doit faire réaliser les investigations génétiques et moléculaires.
(voir en fin de document les critères de l'ELN 2009 et la comparaison avec les critères OMS 2008)
La phase blastique.
Présente des signes cliniques : réapparition de la splénomégalie, sueurs nocturnes, perte de poids, douleurs osseuses; des adénopathies et des chloromes blastiques extramédullaires sont possibles.
La phase blastique nécessite (critères OMS 2016) la présence d’au moins 20% de blastes dans le sang et/ou la moelle osseuse, ou la présence d’une maladie extramédullaire avec infiltration blastique (les blastes pouvant être lymphoïdes ou myéloïdes).
Anémie et thrombopénie sont d’importance variable.
Critères OMS 2008 ELN
% blastes Sg ou MO ≥ 20 % ≥ 30 %
prolifération blastique extramédullaire + +
(sauf la rate)
Présence de grands amas blastiques à la BOM +
[les critères « blastes > 30% » et « blastes + promyélocytes > 30% » sont équivalents, car en terminologie ango-saxonne il n’y a pas de granulations dans les myéloblastes et l’apparition de granulations définit le stade promyélocyte]
Aspects morphologiques
La phase blastique se présente sous forme d'une LA lymphoblastique dans 1/3 des cas et sous forme de LA myéloïde dans 2/3 des cas.
LA Lymphoblastique : 1/3 des cas
- Phase d’accélération courte voire bsente ; altération souvent brutale de l’état général et des paramètres biologiques (= mode de présentation de LA) - Particularités : l’excès de granulocytes basophiles n’est pas toujours retrouvé ; la blastose médullaire est souvent massive (> 80 – 90 %) ; pas de dysgranulopoïèse Cytochimie de la myéloperoxydase : négative. - Morphologie et immunophénotype = ceux d’une LAL commune BII, CD19+, CD22+, CD79a+, CD10+, cµ et SIg négatives. |
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MO au cours d’une phase blastique de LMC : aspect évocateur de LAL |
LA myéloïde. - Installation souvent plus lente, avec phase accélérée bien documentée. - Particularités : excès de granulocytes basophiles fréquent ; blastoses sanguine et médullaire variables : 30 - 100% ; anomalies morphologiques des hématies et plaquettes plus fréquentes ; myélogramme d’aspiration parfois difficile (myélofibrose) ; dysgranulopoïèse possible, notamment l’hyposegmentation du noyau des granulocytes (anomalie « pseudo Pelger-Huët » en relation avec la présence d’un isochromosome 17q). |
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Phase blastique myéloïde : présence dans la MO d’un excès de grands myéloblastes |
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- Morphologie : Aspect de LAM classique (LAM1, M2 ou M5, plus rarement M4), avec ou sans différenciation, ou aspect de LAM avec dysplasie multilignées (mélange de myéloblastes, proérythroblastes et promégacaryoblastes, + dysmyélopoïèse) |
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Phase blastique myéloïde : présence dans la MO de micromégacaryocytes et de blastes peu différenciés |
Evolution cytogénétique.
- les délétions du chromosome 9 et les translocations Ph1 variantes rencontrées au diagnostic n'ont pas d'impact pronostique.
- La découverte au diagnostic, ou l'apparition au cours du traitement et dans les cellules Ph1+, d'une au moins des anomalies suivantes a un caractère péjoratif : trisomie 8, trisomie Ph (+der(22)t(9;22)(q34;q11), isochromosome 17 [i(17)(q10)], trisomie 19, ider(22)(q10)t(9;22)(q34;q11)
Ces anomalies sont présentes chez 70% des patients à la phase blastique.
- Plus rarement une anomalie cytogénétique de LAM de novo est retrouvée : t(15;17) ou inv(16) [Les aspects morphologiques sont alors superposables à ceux des LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes].
- En cours de traitement des anomalies cytogénétiques clonales peuvent apparaitre dans des cellules Ph1 négatives (5-10% de spts). En l'absence de signes de myélodysplasie elles n'affectent pas le pronostic. Un myélogramme est à réaliser uniquement si des cytopénies ou une dysplasie morphologique apparait à l'hémogramme.
Cependant, si une anomalie du chromosome 7 [-7 ou del(7q)] est découverte, un risque de SMD ou de LAM est possible, et un suivi attentif est nécessaire (myélogrammes)
Physiopathologie de la phase blastique.
- Les mécanismes moléculaires impliqués dans la progression sont mal connus. Le Ph1 augmente l’instabilité génomique (duplication du Ph1, c-myc, Rb, AML-evi1). Dans quelques cas une anomalie de P53, de RB, de EVI-1, ou de la voie WNT-bêta caténine est mise en avant.
10. Principaux aspects thérapeutiques
Le traitement est nécessaire (décès en 2 ans sans ttt).
Traitement potentiellement curatif : greffe de cellules souches allogéniques.
- C'est le seul traitement pouvant rendre les pts durablement négatifs sur le plan moléculaire (voir plus loin)
- Parfois utilisé à la phase chronique, le plus souvent en phase accélérée ou blastique.
- Résultats d'une étude récente (Saussele et al, Blood 2010) :
- décès liés à la transplantation = 8 %
- GVH chronique = 46 %
- Survie globale à 3 ans : 88 % pour les pts greffés en phase chronique, 94 % pour les pts greffés en phase accélérée, 59 % pour les pts greffés en phase blastique.
Chimiothérapie.
Son but est de diminuer le plus possible le nombre de cellules Ph1+ (éradiquer ?), car la présence du Ph1 entraîne une instabilité du génome, l’apparition d’anomalies cytogénétiques complémentaires et à terme la transformation aiguë (blastique).
La chimiothérapie utilisant exclusivement le busulfan ou l’hydroxyurée permet un contrôle de la leucocytose, du volume splénique, mais ne rallonge pas la durée de la phase chronique.
Certains traitements sont parfois proposés, associées ou non aux ITK : interféron alpha ; aracytine ; homoharringtonine.
Inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK). Les protocoles thérapeutiques actuels utilisent l’hydroxyurée en traitement court s’il faut diminuer rapidement une grande hyperleucocytose, puis un inhibiteur de l’activité tyrosine kinase BCR-ABL, associé ou non à une autre molécule (interféron alpha, aracytine).
On peut utiliser un ITK de première ou de seconde génération pour la mise en place du traitement initial.
Chez les pts recevant un traitement ITK de première génération : 89 % de survie sans progression à 5 ans, et 65 % de survie sans évènement à 5 ans. Pour la moitié des pts en échec avec ITK de première génération 55 % auront une survie sans progression à 5 ans avec un ITK de seconde génération.
Les événements des 5 premières années ont sélectionné les patients : les mauvais répondeurs et ceux qui évoluent (phase accélérée ou blastique) reçoivent un ITK de seconde génération ont seront allogreffés. Si la maladie demeure en rémission au dela de 6 ans la probabilité de transformation blastique devient quasi nulle.
Avec les ITK on obtient 98% de rémissions hématologiques. La probabilité de survie à 8 ans est de 89% (étude européenne EUTOS).
Un arrêt du ttt ITK est possible après plusieurs années, s'il y a réponse moléculaire complète.
D’autres voies thérapeutiques, impliquant des molécules des voies de signalisation, la vaccination, le trioxyde d’arsenic, sont en cours d’étude.
Résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase.
Les ITK entrent en compétition avec l'ATP à son site de liaison sur la kinase ABL, entraînant l'inhibition de la phosphorylation des protéines de la transduction du signal.
La résistance est parfois primaire (10% des cas) : absence de réponse hématologique ou cytogénétique notable.
La résistance est plus souvent secondaire (25 % des cas) : réponses hématologique et cytogénétique initiales suivies, le plus souvent après 2-3 ans, d'une perte de contrôle de la réponse.
On observe chez 50% des pts en échec ou en progression après traitement par ITK de première génération (= imatinib) une ou plusieurs mutations ponctuelles proches du domaine kinase de BCR-ABL. Il existe au moins 80 mutations différentes, qui aboutissent chaque fois à la substitution d'un AA. Les ITK de seconde génération ont un spectre de mutations plus étroit et qui diffère d'un ITK à l'autre, ce qui permet de moduler la résistance. Cependant s'il s'agit de la mutation T 315 I (thréonine - isoleucine) celle-ci est associée à une résistance à la majorité des ITK actuels (sauf le ponatinib)
Critères de réponse au traitement selon l’European Leukemia net (ELN) et l'OMS 2016 :
1. Réponse hématologique complète (RHC) :
Absence de rate palpable
N° leucocytes 10 G/L
Absence de myélémie, basophiles 5 %
N° PLT 450 G/L
En pratique : à compter du diagnostic, réaliser une NFS toutes les 2 semaines, jusqu’à RHC, puis au minimum tous les 3 mois
2. Réponse cytogénétique :
Réponse cytogénétique majeure = 1-35% de métaphases Ph1+ dans la moelle osseuse
Réponse cytogénétique complète = absence de métaphases Ph1+ dans la Moelle osseuse
En pratique : à compter du diagnostic : réaliser une analyse cytogénétique à 3 mois, 6 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à réponse cytogénétique complète, puis tous les 12 mois.
[si étude moléculaire adéquate : l'analyse cytogénétique n'est plus indispensable]
Analyse à refaire si : résistance au traitement, anomalies inexpliquées de l’hémogramme.
3. Réponse moléculaire :
Réponse moléculaire majeure = trois niveaux : si ratio BCR-ABL / ABL = ou 0.1 % (échelle internationale)
si ratio BCR-ABL / ABL = ou 0.01 % (= réduction de 4 log)
si ratio BCR-ABL / ABL = ou 0.0031 % (= réduction de 4.5 log)
Réponse moléculaire complète si BCR-ABL indétectable
A réaliser tous les 3 mois jusqu’à réponse complète, puis tous les 6 mois.
Si échec ou progression :
- RQ PCR
- Analyse mutationnelle
- Etude cytogénétique conventionnelle sur moelle
- Immunophénoptype si phase blastique
Si apparition d'une myélodysplasie ou d'anomalies du chr 7 dans des cellules Ph1- : surveillance plus étroite
Critères de réponse aux ITK (quels qu'ils soient).
optimale attention échec
A 3 mois
Métaphases Ph1+ ≤ 35 % 36 - 95 % > 95 %
et/ou
BCR-ABL1 ≤ 10 % > 10 %
A 6 mois
Métaphases Ph1+ absence 1 - 35 % > 35 %
BCR-ABL1 1 % 1 - 10 % > 10 %
A 1 an
BCR-ABL1 ≤ 0.1 % * 0.1 - 1 % > 1 % (ou métaphases Ph1+)
Ensuite, sans limite ≤ 0.1 % apparition de perte des critères de Rémission
de durée -7 ou del(7q) cytogénétique complète ou
ou BCR-ABL1 > 0.1 % évolution clonale Ph1+
* = Réponse moléculaire majeure
Critères provisoires de réponse aux ITK (OMS 2016) :
Résistance au premier ITK (ou absence de réponse hématologique complète) ou l’une quelconque des anomalies hématologiques, cytogénétiques ou moléculaires indiquant une résistance à au moins 2 ITK séquentiels
Ou survenue d’au moins deux 2 mutations en plus de BCR-ABL1 pendant le traitement ITK
Critères de phase accélérée OMS 2008 ELN (Baccarini, 2009, 2013)
% blastes Sg ou MO 10 - 19 % 15 - 29 %, ou :
blastes + promyélo (Sg ou Mo) > 30% mais blastes 30 %
% basophiles Sg ≥ 20 % ≥ 20 %
Thrombopénie persistante 100 G/L 100 G/L
et non liée au tttt
Apparition d'anomalies clonales + +
dans les cellules Ph1+ pendant le ttt
Augm. du vol. splénique ou augm. +
du Nb de leuco. ne répondant pas au ttt
Références.
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Guilhot F, et al. Predicting response in CML. Blood. 2011;117:1773-1774.
Hehlmann R, et al. Treatment of CML in blast crisis. Haematologica. 2008;93:1765-1769.
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Silver RT, et al. The blast phase in CML. Best Pract & Res Clin Haematol. 2009;22:387 – 394.
Baccarani M et al. ELN recommendations for the management of CML : 2013. Blood 2013;122:872-884.
Mathisen et al. Haematologica 2011;96:347-346.
mai 2016