Lymphomes : zone marginale, tricho variante, folliculaire, manteau, Sézary/Mycosis fungoïdes, Lymphocytose à lymphocytes granuleux

Introduction.

                Après avoir éliminé une lymphocytose réactionnelle (et la rare situation de lymphocytose polyclonale à lymphocytes binucléés), le premier diagnostic à évoquer devant une lymphocytose de l’adulte (chronique) est celui de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) :

                LLC dans sa forme cytologique classique (80% des cas), = hyperlymphocytose monotone à petits lymphocytes matures, avec nombreuses cellules éclatées (ombres de Gumprecht) ;

                Ou LLC dans une variété cytologique (20 % des cas) : principalement la LLC morphologiquement atypique, plus rarement la LLC mixte à petits et grands lymphocytes ou la  LLC prolymphocytoïde.

                Dans tous les cas le diagnostic de LLC est confirmé par l’immunophénotype et le score de Matutes (score 5 ou 4).

                Cependant, soit parce que la morphologie lymphocytaire sur frottis est particulière soit parce que le score de Matutes est , le diagnostic de LLC est remis en cause et l’hypothèse de la « dissémination d’un lymphome à cellules matures » doit être évoquée. La présentation clinique de ces patients est soit superposable à celle d’une LLC (asymtomatique ou non), soit évocatrice d’emblée d’un lymphome. Morphologie et immunophénotype permettent d’orienter rapidement le diagnostic.

La classification OMS 2016 des lymphoproliférations malignes à cellules B et T est reprise dans un autre document.

Sont à connaitre :

                Leucémie lymphoïde chronique                                                            voir l’item « LLC ».

                Leucémie prolymphocytaire B, exceptionnelle                                              voir l’item « LLC ».

                Leucémie à tricholeucocytes                                     voir l’item « Leucémie à tricholeucocytes ».

                Lymphome lymphoplasmocytaire                              voir l’item « maladie de Waldenström ».

 

                Lymphomes de la zone marginale

                Lymphome folliculaire

                Lymphome du manteau

 

                Leucémie prolymphocytaire T, exceptionnelle                                              voir l’item « LLC ».

                Proliférations T ou NK à grands lymphocytes granuleux

                Proliférations avec cellules de Sézary (Mycosis fungoïdes, Syndrome de Sézary)

1. Lymphomes de la zone marginale (LZM).

Représentent environ 12 % de l'ensemble des LNH et surviennent chez l'adulte (médiane vers 60 ans).

Au sein de la classification OMS 2016 on retrouve:

*  lymphome de la zone marginale splénique (20 % ; splénomégalie de volume variable et parfois des adénopathies)

 *  lymphome de la zone marginale extraganglionnaire du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT; 70 %)

 *  lymphome de la zone marginale ganglionnaire (

 *  Il existe par ailleurs trois entités provisoires :

                                         - leucémie/lymphome splénique B inclassable

                                         - lymphome à petites cellules B diffus de la pulpe rouge splénique

                                         - leucémie à tricholeucocytes variante

1.1. Lymphome du MALT (LZM extraganglionnaire).

Maladie de l'adulte (médiane vers 60 ans), un peu plus souvent une femme.

Se développe dans des organes initialement dépourvus de follicules lymphoïdes, mais qui vont accumuler des lymphocytes B suite à une stimulation antigénique chronique ou une maladie auto-immune. Les lymphocytes acquièrent des anomalies du génome et perdent progressivement leur dépendance vis-à-vis de la stimulation antigénique; il s'en suit une transformation histologique.

Stimulation par des antigènes bactériens, activant la voie NF-KappaB : selon les organes atteints :

            Estomac : responsabilité de Helicobacter dans 90% des cas

            Œil et annexes oculaires : responsabilité de Chlamydia psittaci

            Peau : responsabilité de Borrelia burgdorferi

            Intestin : responsabilité de Campylobacter jejuni

Maladies auto – immunes :

            Syndrome de Sjögren, où le risque est de 44 foi s+ élevé de développer un MALT des glandes salivaires,

            Thyroïdite de Hashimoto, où le risque de développer un MALT de la glande thyroïde est augmenté de 70 fois.

Les pts se présentent cliniquement au stade IE.

On distingue classiquement 2 types de LZM MALT:       le MALT gastrique (1/3 des MALT); Un variant s'appelle IPSID (immunoproliferative small intestine disease)

                                                                              les MALT non gastriques (les autres localisations)

Diagnostic.

Histologie. Infiltration lymphomateuse autour de follicules B réactionnels (cellules d'aspect variable : lymphocytes, lympho-plasmocytes, centrofolliculaire parfois, ou d'allure monocytoïde).

Hémogramme. Pas d'anomalie (notamment : pas de lymphocytose)

Immunophénotype.     Ig de surface de type M, plus rarement A ou G.      CD5-, CD23-, CD20+, CD43 +/-

Cytogénétique. Anomalies dans 1/3 des cas. Translocations particulières à certains MALT :

                Estomac et poumon : t(11;18)(BIRC3-MALT1) ou t(1;14)(BCL10/IgHV)

                Poumon, peau, salivaire, œil : t(14;18)(IgHV/MALT1)

                Trisomies (+3; +18) inconstantes et peu spécifiques.

Traitement.  Un traitement antibiotique adapté et prolongé est efficace dans plus de 80 % des MALT (par Ex : MALT gastrique = IPP + clarythromycine + amoxicilline). Sinon : radiothérapie localisée ou rituximab et monochimiothérapie (chloranbucil). Survie à 5 ans > 85 %.

1.2. Lymphome de la zone marginale splénique .

Maladie rare (2% des lymphomes B) et habituellement indolente (au-delà de 50 ans, et surtout la femme de 60-70 ans)

La dissémination sanguine lymphocytaire est plus souvent révélatrice que la splénomégalie

Incidence : reste à évaluer en France. Son incidence est évaluée aux États-Unis à 0,13/100 000 et sa fréquence est estimée à 0,6 % de l’ensemble des lymphomes malins non hodgkiniens

Situation clinique.

La maladie est découverte le plus souvent suite à une anomalie de l'hémogramme : hyperleucocytose (hyperlymphocytose), anémie et / ou thrombopénie (ces 2 dernières liées plus à la séquestration splénique que l'infiltration médullaire)

La splénomégalie, rarement gênante, est présente chez > 90% des pts, découverte dès le diagnostic ou qui apparaîtra ultérieurement (pouvant devenir monstrueuse).

Association à l'hépatite C dans > 20 % des cas (la glycoprotéine E2 du VHC interagit avec le CD81 des lymphocytes B, activant le BCR : ceci provoque la prolifération des cellules B).

Une forme particulière associe ce lymphome à l'hépatite C et à une cryoglobulinémie de type 2 (mixte).

Des manifestations auto-immunes  sont identifiées dans 15 % des cas : cirrhose biliaire primitive, polyarthrite rhumatoïde, PTI, AHAI, maladie des agglutinines froides, anticoagulants circulants, maladie de Willebrand acquise, angio-oedème par déficit acquis en inhibiteur de laC1-estérase

Une protéine monoclonale sérique de type IgG ou IgM est rtrouvée dans un tiers des cas (habituellement

Aspects biologiques.

Infiltration des follicules de la pulpe blanche splénique par des lymphocytes B mémoire, dans la zone marginale. L'origine est post-centrogerminative dans 70 % des cas (IgVH muté).

[cependant IgVH est non muté dans 30% des cas, et il est siggéré que la voie de différenciation soit particulière et n'implique pa sle transit au sein du centre germinatif]

Hémogramme.

Anémie et/ou thrombopénie modérées fréquentes : essentiellement par hypersplénisme.

Lymphocytose inconstante, mais pouvant atteindre ou dépasser 30 G/L.

Morphologie lymphocytaire : soit banale et +/- proche de celle des lymphocytes d'une LLC (souvent sans, mais parfois avec excès de cellules éclatées (ombres de Gumprecht),

                            soit banale mais avec qq lymphocytes au noyau monocytoïde (càd +/- en fer à cheval)

                            soit avec un petit nombre de lymphocytes villeux

                            soit > 20 % de lymphocytes villeux  = lymphome splénique à lymphocytes villeux. Voir plus bas.

Immunophénotype.   IgS d'expression non faible ( = N, parfois élevée).

                               CD5- CD23- CD43- CD10-  avec score de Matutes

                               Forte expression du CD180, alors qu'elle est faible dans la LLC et le lymphome du manteau

Cependant : positivité du CD5 dans 20 % des cas, nécessitant d'éliminer un lymphome du manteau, voire une LLC.

Absence d'expression de IRTA1 (qui est exprimé dans les MALT)

Biochimie. Pic IgM ou IgG dans 1/3 des cas (jusque 30-50 g/L)

Cytogénétique.     Anomalie(s) dans 80% des cas.

                          Trisomie 3 totale ou partielle (3q) : 30-80 % des pts

                           Gain 12p : 20 % des pts

                           Anomalies considérées comme typiques des LZM : délétion ou translocation impliquant 7q32 (30 % des pts)

                           t(11;14)(q13;q32) dans 10-20% des cas.

Biologie moléculaire. mutation de NOTCH2 dans 20 % des cas, dans la voie NF-kB dans 35 % des cas, mutation de KLF2 dans 30 % des cas. Absence de mutation BRAF V600E

Histologie.

Splénomégalie. Habituellement la rate pèse > 400-500 g; un poids inférieur est très rare dans le LZM

BOM : infiltration sinusoïde assez caractéristique (souvent associée à une infiltration interstitielle et nodulaire). pas totalement spécifique

Traitement.

Trois facteurs de risque négatif : Hb N, albuminémie 1 facteur de risque).

On ne traite qu'en cas de cytopénies sévères et/ou de splénomégalie symptomatique.

            La splénectomie corrige les cytopénies mais pas la lymphocytose sanguine et médullaire.

            Ensuite : rituximab + chimiothérapie.

            Pour les formes avec VHC : le traitement de l'infection VHC peut entraîner la rémission du lymphome.

Risque de transformation en LNH diffus à grandes cellules = 10 %

Lymphome splénique à lymphocytes villeux

Variété rare de lymphome splénique de la zone marginale, avec splénomégalie de volume variable, observé surtout chez les pts âgés (> 70 ans) et habituellement sans manifestations auto immunes, caractérisé par la présence dans le sang d'au moins 20% de lymphocytes villeux.

Souvent indolent, avec survie prolongée.

Hémogramme.       Anémie et thrombopénie inconstantes (sinon modérées); lymphocytose inconstante (n'atteint pas toujours 5 G/L) avec > 20 % de lymphocytes villeux

Lymphocytes villeux : noyau rond à chromatine condensée, cytoplasme basophile et villosités soit à 1 ou 2 pôles, mais parfois aussi sur toute la membrane.

On peut trouver d'autres aspects cellulaires associés:

- cellules lymphoplasmocytoïdes

- cellules plus grandes avec noyau monocytoïde.

 villeux

Remarques

- le contact des Ly villeux quelques heures avec l’EDTA fait disparaître les villosités].

- La présence d'un petit nombre (1 - 2%) de lymphocytes villeux (villosités à 1 pôle de la cellule, assez discrètes) s'observe occasionnellement :

                               chez le sujet sain ou chez le NNé – nourrisson, et dans quelques cas de LLC ou de LNH manteau

Diagnostic différentiel.

Lymphome lymphoplasmocytaire. Discrimination parfois difficile; mutation de MYD88 L265P , absente dans les LZM

Lymphome du manteau (pour les LZM CD5+). Morphologie, expression de la cycline D1/BCL1, négativité de SOX11 et absence de t(11;14) éliminent habituellement le LNH manteau

Les entités provisoires au sein des LZM (voir ci-dessous). Mais ces entités sont rares

Parfois la lymphocytose B monoclonalre

Les MALT disséminés. L'histoire clinique est importante.

1.3. Lymphome de la zone marginale ganglionnaire.

Lymphome rare et par définition sans splénomégalie ou atteinte MALT.

Maladie pluri ganglionnaire (infiltration de topographie variable), souvent aux stades III ou IV d'emblée, de diagnostic difficile (pas de marqueurs spécifiques).

Dans > 80 % des cas : IgVH mutées.

Dissémination sanguine et médullaire possible mais peu fréquente.

Pic d'Ig monoclonale sérique dans 10 % des cas.

Pas d'anomalie scytogénétiques particulières, sauf une grande fréquence de trisomies : +3, +7, +12, +18, ou d'amplifications (1q, 3q, 7p). Mais pas de perte en 7q.

Traitement par chimiothérapie. Survie globale = 65 % à 5 ans.

   

 1.4. Leucémie à tricholeucocytes variante: entité provisionnelle OMS 2016.

Maladie rare;  âge médian des patients > 70 ans.

 La splénomégalie est présente dans 85 % des cas et contraste avec la rareté de l’atteinte hépatique (19 %) et ganglionnaire (15 %).

Plusieurs différences avec la leucémie à tricholeucocytes 

Anémie et thrombopénie sont observées dans 29 % et 43 % des cas

Pas de monocytopénie,

Pas de neutropénie,

Hyperleucocytose (parfois > 30 G/L) avec excès de cellules de contour villeux mais avec un nucléole net , un noyau parfois convoluté ou bilobé (morphologie intermédiaire entre prolymphocyte et tricholeucocyte); absence de phosphatase acide tartrate résistante,

Immunophénotype différent : CD123, CD25 et annexine 1 sont négatifs ;

                                          CD103 et CD11c sont positifs (phénoptype proche de celui des ly villeux)

Histologie. Rate : infiltration diffuse de la pulpe rouge avec atrophie d ela pulpe blanche (id tricholeucocytose classique); BOM : infiltration sinusoïdale quasi exclusive

Aspects cytogénétiques et moléculaires.

       - Quelques cas décrits avec anomalies 14q32 ou 8q24,

       - Délétion 17p partielle ou complète (1/3 des cas), associée à un mauvais pronostic (Hockley et al, Leukemia 2011)

       - Absence de mutation de BRAF

       - Mutation de MAP2K1 dans 50 % des cas (code pour MEK1, en aval de BRAF dans la voie d’activation cellulaire) [mais aussi dans la presque totalité des quelques cas de leucémies à tricho BRAF négatives qui utilisent la région IgVH4-34 (comme la tricho variante)].

Traitement.              Splénectomie souvent efficace. Survie médiane : 9 ans (42% des patients meurent de causes non liées au LNH).

Attention : Dans la littérature certains auteurs ne font pas de différence entre la leucémie à tricholeucocytes dans sa forme hyperleucocytaire et la leucémie à tricholeucocytes variante (OMS). Par ailleurs il est décrit une forme « japonaise de leucémie à tricholeucocytes », qui se rapproche de la forme variante, mais d’évolution plus indolente.

 1.5. Lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (LDPRR) : entité provisionnelle OMS 2016.

Entité rare identifiée en 2002; patients d'âge > 60 ans

Lymphocytose modérée (75% des cas)

Anémie, neutropénie thrombopénie : rares.

Morphologie des cellules aN : proche de celle des SLVL (mais parfois il y a des cellules + grandes et nettement nucléolées)

Un score immunologique basé sur cinq marqueurs (1 point si CD76+, si CD27-, si CD38-, 1point si ratio de fluorescence  des CD11c et CD22 (=RFI)).

LDPRR : score = 3 à 5 ; LSZM : score = 0 à 2.

[qq cas rapportés avec CD5+].

Anomalies cytogénétiques et moléculaires pas encore bien caractérisées. 

 2. Lymphome folliculaire.

Lymphome fréquent (25% de l'ensemble des LNH), constitué de cellules lymphoïdes provenant du centre du follicule.

Découvert chez l’adulte (exceptionnels cas avant 20 ans) : médiane de survenue = 55 ans.

Syndrome tumoral fréquent, avec adénopathies et splénomégalie.

Disséminations médullaire (quasi constante et m.e.e. par biologie moléculaire; dans 50 % de cas en cytologie/histologie), sanguine (5 - 10 % des cas), et dans divers organes dès le diagnostic, bien que la maladie soit souvent peu symptomatique au diagnostic.

Histologie.

L’architecture ganglionnaire est perturbée mais il persiste des structures pseudo-folliculaires, parfois mêles de zones d’infiltration diffuse.

Les cellules occupant ces pseudo follicules sont de 2 types, grandes (centroblastes) ou petites (petites cellules centrofolliculaires), et leurs nombres respectifs déterminent divers grades :

                Grades 1 et 2 : pas ou peu de grandes cellules ;

                Grade 3 A : nombreuses grandes cellules mais persistance de petites cellules ;

                Grade 3 B : majorité de plages constituées uniquement de centroblastes.

Aspect dans le sang.

Dissémination sanguine dans 5 - 10 % des cas : parfois modérée (QQ cellules retrouvées en morphologie ou en CMF), ou en Nb pus élevé (avec lymphocytose > 4 G/L, pouvant dépasser 50 G/L).

Les LNH folliculaires sans dissémination sanguine sont plus fréquents chez l'homme, avant 60 ans, avec thrombopénie souvent associée.

Les cas présentant une dissémination modérée sont plus fréquemment des femmes, de moins de 60 ans, plus souvent thrombopéniques (thrombopénie liée à la splénomégalie).

La présence de cellules anormales n'entraine pas obligatoirement d'alarme spécifique des lymphocytes (ou "blastes ?") sur les automates d'hémogramme. Cependant des paramètres de recherche sur certains automates signalent la présence d'un clone lymphoïde anormal dans les situations de forte leucocytose.

Petites cellules centrofolliculaires (sang; MGG).

Cellules les plus fréquemment observées.

Taille proche de celle d’un petit lymphocyte,

Rapport N/C proche de 1 : pas de cytoplasme visible.

Noyau à chromatine dense, mature, souvent fendu d’un sillon : aspect parfois en grain de café.

1follic

Centroblaste (sang; MGG).

Aspect proche de celui d’un lymphoblaste.

Noyau de contour irrégulier ; les nucléoles (2 à 5) sont souvent disposés en périphérie du noyau.

Cellules rarement visibles dans le sang (parfois dans la moelle osseuse, constamment sur les cytoponctions ganglionnaires).

centroblaste

 Immunophénotype (voir document correspondant).

Cellules B CD5 - et CD 43 -

Expression du CD10 par les cellules petites et grandes dans 80 % des cas). Cependant l'expression du CD10 est négative sur les cellules centrofiolliculaires du sang dans 1 cas sur 5, alors-même que ce CD10 est nettement exprimé dans le ganglion

Coexpression CD10+/CD38+ fréquente

Cytogénétique et biologie moléculaire.

Présence quasi constante de la translocation t(14 ;18)(q32 ;q21), qui juxtapose le gène IgH avec le gène bcl2 (antiapoptotique).

Des mutations dans les gènes régulateurs comme CREBBP et KMT2D (MLL2) sont des évènements très fréquents et très précoces et pourraient servir de cibles théraputiques.

De nombreux autres gènes sont retrouvés mutés, comme EZH2 dans 20 % des cas et divers autres mais plus rarement (parfois en relation avec la transformation).

Un modèle pronostique incluant clinique et mutations géniques a été récemment proposé : encore à valider.

Remarque : quelques cellules circulantes présentant une t(14;18)(q32;q21) IGH/BCL2 sont parfois observables chez le sujet sain (et se localisent dans les centres germinatifs comme cellules centrofolliculaires non proliférantes). Mais un Nb élevé de ces cellules (> 1/ 10 000 cellules) indique un risque élevé de LNH folliculaire.

Traitement et pronostic.

Utilisation d’Ac monoclonaux anti-CD20, associés à la chimiothérapie.

Majorité de patients survivant > 10 – 15 ans.

Pronostic : système de score (Solal et al. blood 2004, 104, 1258-1265).

3. Lymphome de la zone manteau.

Lymphome de l’adulte au-delà de 30 ans, avec médiane vers 60 ans, développé à partir de cellules de la zone manteau du ganglion.

Syndrome tumoral quasi constant : adénopathies et splénomégalie, et dissémination fréquente à divers organes (tractus digestif ++, sang dans 30% des cas). Patient souvent d’emblée aux stades III ou IV.

Origine.

Développé à partir de cellules B naïves

Des cellules précurseurs B avec réarrangement CCND1 (mais parfois sans) maturent en cellules naïves B qui vont initialement coloniser les organes lymphoïdes, souvent dans la partie interne de la zone manteau = cela correspond à la tumeur à cellules du manteau in situ (indolente, de découverte souvent accidentelle, en association avec un autre lymphome). A ce stade les cellules ont déjà des anomalies cytogénétiques/moléculaires, comme la mutation activatrice de ATM.

- Ces tumeurs in situ progressent principalement en lymphome du manteau classique, ganglionnaire ou extra ganglionnaire, en général non mutés IgVH et SOX11+, sans évidence de passage dans le centre germinatif. Génétiquement instable il acquiert diverses anomalies additionnelles en rapport avec une dérégulation du cycle cellulaire, des anomalies de la voie de réponse aux altérations de l’ADN, de la survie cellulaire et d’autres voies.

                  Ultérieurement : progression soit en lymphome du manteau blastoïde (acquisition de mutations TP53 ou équivalentes) soit en lymphome du manteau polymorphe.

- Un Nb plus modéré de cas provient de  cellules de la zone manteau qui subissent une hypermutation somatique (vraisemblablement dans le centre germinatif), sont SOX11 négatifs, et sont génétiquement plus stables et pendant une période plus prolongée que les lymphomes manteau classiques. Ce sont des formes moins agressives, leucémiques non ganglionnaires, qui vont envahir préférentiellement le sang, la MO et souvent la rate. Ils vont cependant finir par acquérir des anomalies cytogénétiques/moléculaires additionnelles, notamment de TP53, induisant une progression clinique et parfois morphologique.

Hémogramme.

Anémie modérée fréquente.

Lymphocytose dans 1/3 des cas, constituée de cellules anormales ayant 3 aspects morphologiques principaux :

Variant à petites cellules : l'aspect évoque celui de lymphocytes matures : l’immunophénotype oriente le diagnostic

Forme classique : avec cellules de taille petite ou moyenne (12 – 20 µm), avec rapport N/C proche de 1, dont le noyau a un contour irrégulier (encoches, aspect folié) et une chromatine discrètement immature

2manteau

Forme blastoïde : une partie au moins des cellules est de taille moyenne ou plus élevée (15 – 25 µm), avec rapport N/C proche de 1, avec chromatine immature avec ou sans nucléole visible.

manteau2

Immunophénotype (voir document correspondant).

Comme dans la LLC-B : CD5 + et CD43 +

A l'inverse de la LLC-B : CD23 - et CD 200 - (ou très faible)

Cytogénétique et biologie moléculaire.

Présence quasi constante de la translocation t(11 ;14)(q13 ;q32) [ou l’un de ses variants], qui juxtapose le gène IgH avec le gène bcl1 (cycline D1 : favorise la progression dans le cycle cellulaire).

Les caryotypes sont souvent complexes., surtout le variant blastoïde, associant souvent une délétion 17p et la perte du GST p53 (pronostic très mauvais, faible sensibilité aux thérapeutiques).

- mutation de ATM dans 40 -75 % des cas.

- mutation de TP53 (ou altération par perte d’hétérozygotie, translocation) et de NOTCH1/2 : retrouvées dans une partie des cas, sont d’importance clinique.

- Hyperexpression de SOX11 : facteur de transcription exprimé dans la majorité des LNH manteau, et notamment dans presque tous les cas qui n'expriment pas la cytcline D1 (il existe un Ac monoclonal anti SOX11 utilisé en Anatomo-Pathologie)

- réarrangement de CCND2 (cycline D2, le plus souvent avec IgK ou IgL comme locus partenaire) : retrouvé dans environ la moitié des cas qui ne présentent pas la mutation de la cycline D1 (= utilité diagnostique quand la cycline D1 est négative).

  

Traitement et pronostic.

Pas de traitement curatif. Polychimiothérapies, en association avec un anti-CD20.

Pronostic péjoratif.

Médiane de survie

4. Syndrome de Sézary (SS) et Mycosis fungoïdes (MF).

Il s’agit de deux types de lymphomes cutanés caractérisés par la prolifération dans la peau  de cellules T anormales: les cellules de Sézary.

Le MF est une dermatose localisée, d’évolution chronique, de l’adulte et parfois de l’enfant.

Le SS est une maladie de l’adulte (médiane = 60 ans), très rare, caractérisée par une érythrodermie presque généralisée et parfois des adénopathies.

Les cellules de Sézary sont présentes dans les biopsies cutanées des 2 maladies ; le diagnostic est réalisé avec l’hisologie cutanée, et conforté pour le SS par la découverte de cellules de Sézary dans le sang.

La dissémination sanguine est rare et limitée à quelques cellules dans le MF, alors que dans le SS leur nombre dépasse par définition 1 G/L (parfois moins dans certains cas), et l’hyperleucocytose est modérée et inconstante.

Il n’y a pas de ttt curatif dans le SS, et la maladie évolue sur quelques années. Dans certains cas elle se transforme en lymphome T à grandes cellules.

Immunophénotype (voir document correspondant)

Habituellement CD4+

Cellules de Sézary :

Taille variable, souvent petites (celle d’un lymphocyte) ;

Cytoplasme variablement abondant et clair (pas d’inclusions)

Noyau montrant des encoches ou incisions profondes, en « coup d’ongle » ou donnant un aspect cérébriforme quand elles sont multiples.

 sez2

5. Lymphocytoses à lymphocytes granuleux.

Elles sont définies par la présence pendant > 3 mois d’un excès de grands lymphocytes granuleux (LGL ou Large Granular Lymphocytes)  > 0.5 G/L.

Dans la majorité des cas il s'agit d'un expansion clonale de lymphocytes T.

 LGL

Selon l'OMS 2016, on identifie :

Divers sous groupes et associations clinico pathologiques dans la classification OMS 2016.

Principalement : 

           la leucémie à grands lymphocytes granuleux, de nature T, CD3+, (85% des cas)

           les leucémies à cellules NK, comprenant la lymphoprolifération chronique à cellules NK CD56+  (15% des cas), et la leucémie agressive à cellules NK, observée uniquement en Asie.

Situations rares, souvent de découverte fortuite, sans signes cliniques.

Représentent cependant les plus fréquents des lymphomes T (4 % des LNH).

LGL – T

 Observées essentiellement chez l’adulte (médiane = 60 ans).

35 % des pts sont asymptomatiques au diagnostic, ce dernier souvent réalisé lors de l'exploration d'une cytopénie découverte à l'hémogramme.

Splénomégalie dans 2/3 des cas, mais habituellement visible uniquement à l'imagerie.

Environ 60% des pts deviendront progressivement symptomatiques avec les années (5- 10 ans): fatigue, infections récurrentes, ulcérations buccales(en rapport avec les cytopénies)

Des manifestations auto immunes sont fréquentes (> 25 % des pts)

Hémogramme.

      Anémie possible avec Hb

      Neutropénie possible : modérée (0.5 - 1 G/L) ou sévère (

     Mécanisme des cytopénies : action des LGL sur les précurseurs myéloïdes (libération de cytokines ou interaction Fas-FasL et apoptose), et/ou destruction des PNN médiée par des anticorps ou des immuns complexes

Démarche diagnostique.

      Dans un contexte de splénomégalie, de cytopénie (anémie, neutropénie), de lymphocytose, de maladie auto immune (arthrite rhumatoïde, LEAD, thyroïdite d'Hashimoto), la découverte d'un Nb de LGL > 0.5 G/L doit être prise en compte:

                                réaliser un immunophénotype sanguin (CMF)

                                si Nb de LGL entre 0.5 et 2 G/L, un myélogramme et/ou une BOM avec immunohistochimie est souhaitable.

                                La recherche d'une clonalité T est possible.

Immunophénotype.

        Il s'agit de lymphocytes T mémoires terminaux (CD45 RA+, CD62L -), et dans 90 % des cas : CD3+, CD8+, CD57+, CD56-, CD28-, TCR αβ + (granzyme B + en immunohistochimie)

Evolution.

     Patients asymptomatiques : surveillance

     Patients symptomatiques (anémie avec Hb 1 G/L ou sévère avec PNN

LGL – NK ,  ou lymphoprolifération chronique à cellules NK CD56+

Assez superposable à la LGL - T, sans prédisposition raciale ou association à l'EBV, sans manifestations auto immunes.

Synonyme de leucémie/lymphocytose indolente à cellules NK

Les lymphocytes : morphologie superposable à ceux des LGL - T

               immunophénotype : CD2+, CD3-, CD4-, CD8-, CD16+, CD56+,  CD57- , KIR+ [granzymes présents]

               configuration des gènes T : germinale

              présence de récepteurs KIR (Killer Ig like receptors) utiles pour le diagnostic (équivalent d'un marqueur de clonalité)

Evolution souvent moins sévère que celle des LGL - T. Si traitement nécessaire : il suit la même démarche que celui des LGL-T symptomatiques.

Aspects moléculaires.

Une mutation de STAT3 est fréquente dans les LGL T et NK.

Les pts ayant une mutation de STAT5B forment un sous groupe associé à une maladie au potentiel plus agressif.

Leucémie agressive à cellules NK

Maladie localisée aux pays asiatiques et presque toujours associée à l'EBV.

S'observe plus souvent chez l'adulte jeune (médiane = 39 ans) : installation brutale, rapidement progressive, de symptomes B (surtout la fièvre), ictère, adénopathies, hépatosplénomégalie, cytopénies et dissémination sanguine.

L'infiltration cutanée est rare.

L'évolution est fulminante, avec une médiane de survie de 2 mois (chimiorésistance ++).

Les cellules anormales du sang et de la MO ont un aspect +/- immature, avec nucléole(s).

l'immunophénotype est CD2-, CD3-, CD3 ε +, CD16+, CD56+, CD57-

La configuration des gènes T est germinale.

Différentes anomalies chromosomiques sont observables.

Références.

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Novembre 2016