(1) Morphologie, Phénotype, Cytogénétique des LAM : myéloblastes / promyélocytes

Ce document reprend les principaux aspects morphologiques, phénotypiques, cytogénétiques et moléculaires des Leucémies Aiguës Myéloïdes dont les blastes sont essentiellement des myéloblastes ou des « promyélocytes »

1. LA essentiellement « myéloblastiques »

Myéloblastes : morphologie MGG

Cellules +/- arrondies

Taille variable = 15 - 30 µm et rapport N/C = 0.8 - 0.95

Noyau : contour nucléaire régulier dans 2/3 des cas (quelquefois un repli profond en cuvette), chromatine fine, 1 à 3 nucléoles

Cytoplasme : variablement basophile, et :

                - soit absence de granulations

                - soit présence de quelques granulations rouges et/ou un corps d'Auer*

                - soit il contient de très nombreuses granulations qui peuvent recouvrir ± totalement le noyau : il faut savoir séparer les promyélocytes de la « leucémie à promyélocytes » et les promyélocytes signant le début de différenciation des myéloblastes d’une LAM (avec maturation).

- quelques « blastes » ou « promyélocytes » peuvent montrer de très nombreux corps d’Auer (=aspect en fagot), évoquant la LA dite à promyélocytes

Les corps ou bâtonnets d’Auer

Structure allongée (3 – 10 µm) et fine (< 0.5 µm) d’aspect +/- en aiguille, rouge, provenant de la fusion de plusieurs granulations azurophiles ; contient habituellement de la myéloperoxydase.

Un corps d’Auer est observable dans :

les blastes des LA myéloblastiques : la moitié des cas ; un, ou parfois deux (exceptionnellement 3 ou 4), associé ou non à des granulations azurophiles; le nombre varie de < 1 pour 1000 blastes à > 10 % des blastes contenant un corps d’Auer ; dans le cytoplasme il est +/- planté en angle aigu dans la membrane du noyau, ou disposé en diagonale d’une zone claire (Golgi) avec un aspect « en boussole ».

les neutrophiles matures (très rares, mais évocateur de LAM avec t(8 ;21)

les LA à promyélocytes (au moins qq blastes contiennent de très Nbx corps d’Auer = fagots)

Neutrophiles +/- matures : dans les 1ières semaines du ttt des LA promyélocytaires avec ATRA

mgk noyaux séparés

les LA myélomonocytaires : dans les myéloblastes

les LA monoblastiques : rarement (1 cas /5, et de petite taille)

parfois au cours des syndromes myélodysplasiques (blastes, cellules plus matures)

dans d’autres pathologies (lymphoblastes de LAL, plasmocytes de gammapathies) des inclusions « ressemblant +/- à des corps d’Auer » ont été décrites, mais sans activité myéloperoxydasique.

Inclusion en coupelle (cup-like)

voir dans le document portant sur les anomalies moléculaires des LAM, au sein du chapitre décrivant les anomalies FLT3, NPM1 et CEBPA.

Remarques :

 

- si les monocytes sont nombreux dans le sang et/ou la moelle : pensez à l’éventualité d’une LA myélomonocytaire aiguë (voir parmi les LA à composante monocytaire)

 

- si les érythroblastes sanguins et/ou médullaires sont nombreux : pensez à l’éventualité d’une érythroleucémie (voir cette catégorie)

 

1.1. LAM avec différentiation minime (ancienne LAM 0 – FAB).

Classement OMS :

Principalement parmi les LAM sans spécification particulière.

Selon le résultat de l’étude moléculaire : penser à l’entité provisoire : « LAM avec mutations géniques NPM1 ou CEBPA »

Selon le résultat du caryotype : certains cas peuvent être reclassés parmi les « LAM avec anomalies reliées aux myélodysplasies ».

Un article de Silva et al (Blood, 2009) signale la fréquence élevée de mutations activatrices du gène RUNX1 dans les LAM0 et propose de subdiviser ce groupe selon l’état mutationnel de RUNX1.

Définition.

LAM dont les blastes ne présentent pas de différenciation myéloïde en morphologie (sang et moelle) et en cytochimie : myéloperoxydase et estérases sont négatives.

L'immunophénotype est indispensable pour affirmer la nature myéloïde des blastes.

Remarque : on peut éventuellement utiliser la microscopie électronique et la cytochimie ultra-structurale pour définir le caractère myéloïde peu différencié des blastes.

Présentation générale.

Rare ( 2% des LAM), observée plus souvent chez l’adulte et le sujet âgé, mais aussi décrite chez l'enfant.

Habituellement : signes physiques +/- francs liés aux cytopénies (diminution de l'hémoglobine, des plaquettes et des neutrophiles).

Tuméfaction des OHP : rare (parfois splénomégalie, ADP très peu fréquentes)

Blastose sanguine : de la quasi absence à l’hyperleucocytose majeure (300 G/L)

Hémogramme.

Hémoglobine                      =  3  –  15 g/dL  (m =  8,7)

PLT                                   =  4 - 300  G/L    (m = 71)

Leucocytes                         =  1 - 300 G/L     (m = 31)

(d’après une étude du Groupe Français d’Hématologie Cellulaire (2001) portant sur 60 pts)

Myélogramme.

souvent richement cellulaire (30 à 100% de blastes; moyenne = 81%)

Dans quelques cas on peut observer une population résiduelle de précurseurs granulocytaires, qui peut faire évoquer une LAM avec maturation, mais les blastes n'ont pas de granulation ou de corps d'Auer et sont négatifs pour les cytochimies.

Dysmyélopoïèse dans 25% des cas (éventuellement : reclasser OMS selon les résultats de l’étude cytogénétique)

Morphologie des blastes ; particularités.

Habituellement : +/- celle des myéloblastes, mais le cytoplasme de basophilie variable est dépourvu de granulation ou de corps d'Auer.

Plus rarement : blastes de taille plus réduite, avec rapport N/C élevé et ressemblant à de petits lymphoblastes.

Cytochimies : myéloperoxydase et estérases sont négatives.

Aspect en miroir à main (hand mirror cells).

Dans une série de 28 cas de LAM présentant une trisomie ou tétrasomie 13 Mehta et al (Br J Haematol 1998;101:749-752) retrouvent 11 cas de LAM 0, dont  neuf cas montrent au moins pour partie des blastes avec aspect en miroir à main (hand mirror cells). [rappel : des cellules en miroir à main ont été décrites au cours d’autres catégories de LAM et au cours de LAL].

 

 LAM zéro : blastes non différenciés (MO)
 LAM zéro : blastes non différenciés (MO)
 LAM zéro : aspect en "miroir à main" (MO)
 LAM zéro : aspect en "miroir à main" (MO)

405 LAM 0 MO perox

     
 LAM zéro : blastes non différenciés (MO)  LAM zéro : aspect en "miroir à main" (MO)  LAM zéro : absence de positivité cytochimique de la myéloperoxydase (MO)

Immunophénotype.

Dans la plupart des cas : CD34+, CD38+, HLA-DR+ (= Ag hématopoïétiques précoces)

Antigènes associés à la différenciation myéloïde : absents (CD11b, CD15, CD14, CD64, CD65).

Expression des CD13 (90% des cas), CD117 (60% des cas), CD33 (60 % des cas), CD7 ( 35% des cas).

Expression d'antigènes lymphoïdes : rare (l’expression de la TdT semble fréquente et reliée à l’existence d’une mutation du gène RUNX1).

Diagnostic différentiel.

- LA myéloblastiques sans maturation (LAM1 – FAB) et LA monoblastiques non différenciées (mais cytochimies de la myéloperoxydase ou des estérases sont positives)

- LA à mégacaryoblastes

- LA de lignée ambiguë

- Plus rarement la phase leucémique des lymphomes à grandes cellules.

L'immunophénotype est essentiel pour le diagnostic différentiel.

Aspects génétiques.

Absence d’anomalie chromosomique unique ou spécifique.

Le plus souvent : caryotypes complexes avec anomalies déséquilibrées : -5/del(5q), -7/del(7q), +8, ou del(11q).

La plupart d’entre elles vont permettre de reclasser les patients dans la catégorie « LAM avec modifications associées aux myélodysplasies ».

Trisomie 13 : anomalie récurrente fréquente des LAM0 (15% des cas ; très rare dans les autres LAM), survenant souvent comme anomalie isolée (le gène du récepteur FLT3 est localisé sur le #13) (Silva FPG et al. Haematologica 2007;92:1123-1126).

Mutation de RUNX1 (anciennement AML1 ; sur le #21) : 30 % des cas. La trisomie 13 est fréquemment associée à une mutation de RUNX1 (Silva et al, 2007). [la place de RUNX1 dans la leucémogenèse est discutée plus loin : « LA myéloïdes avec maturation »].

Mutation de FLT 3 (sur le #13) dans 20 % des cas. Des mutations de RAS, PTEN11 ou JAK2 sont rapportées dans quelques cas de LAM0 (Silva FPG et al. Blood 2009;114:3001-3007).

 

 

1.2. LAM sans maturation (ancienne LAM1 – FAB).

Classement OMS :

parmi les LAM sans spécification particulière.

Selon le résultat de l’étude moléculaire : penser à l’entité provisoire : « LAM avec mutations géniques NPM1 ou CEBPA »

Selon le résultat du caryotype : certains cas peuvent être reclassés parmi les « LAM avec anomalies reliées aux myélodysplasies ».

Définition et présentation générale.

LA dont les blastes sont des myéloblastes peu différenciés et constituent au moins 90% des cellules non érythroïdes au myélogramme.

Environ 10% des LAM ; survient à tous les âges, mais surtout chez l'adulte (médiane = 45 ans) ; Pas de spécificité clinique.

Hémogramme.

Cytopénies d’importance variable ; Nb de leucocytes sanguins très variable et parfois > 100 G/L, constitué presque uniquement de myéloblastes.

Myélogramme.

Frottis habituellement hypercellulaire

Au moins 90% de blastes (par définition).

Blastes = myéloblastes peu différenciés :

                            soit au moins qq uns avec qq granulations azurophiles et/ou un corps d'Auer

                            soit aucune inclusion cytoplasmique mais cytochimie de la MPO positive

La dysmyélopoïèse doit être appréciée chaque fois que possible sur les cellules non blastiques.

Cytochimie de la myéloperoxydase (MPO) : positive dans >= 3% des blastes, quelle que soit leur morphologie

sb2  mb4
 LAM sans maturation : blastes sanguins

 LAM sans maturation : moelle osseuse. Au moins quelques blastes

évoquent des myéloblastes

Immunophénotype.

Les CD34 et HLA-DR sont positifs dans 70% des cas.

Les antigènes myéloïdes (CD13, CD33, CD117) sont positifs.

L'expression de l'antigène MPO est habituellement > 10%.

Les antigènes de la maturation granulocytaire (CD15 et CD65) ou monocytaire (CD14, CD64, CD4) ne sont pas exprimés. Le CD11b est exprimé dans une partie des cas.

Les blastes sont négatifs pour les antigènes B et T intracytoplasmiques, mais l'expression membranaire du CD7 est retrouvée dans 30% des cas (témoin d’immaturité) et celle des CD2, CD4, CD19, et CD56 a été décrite dans 15% des cas.

Diagnostic différentiel.

LAM avec différentiation minime,

LAL à grands lymphoblastes,

LAM avec maturation.

Etude cytogénétique et moléculaire.

Le caryotype est soit normal soit présente des anomalies diverses mais différentes de celles du groupe avec anomalies cytogénétiques récurrentes ou du groupe avec anomalies reliées aux myélodysplasies [sinon on reclasse les patients dans les entités correspondantes]

1.3. LAM avec maturation (ancienne LAM2 – FAB)

Classement OMS.

Dans presque toutes les catégories de LAM – OMS, selon divers critères :

- « LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes » quand il existe une t(8;21) : cytologie et immunophénotype présentent des particularités (voir plus loin)

- « LAM avec anomalies liées aux myélodysplasies » quand il existe des signes de myélodysplasie ou que les anomalies cytogénétiques correspondantes (il existe un tableau reprenant ces anomalies ; voir plus loin)

- « LAM avec antécédents de (chimio)thérapie »

- « LAM sans spécification particulière » pour tous les cas qui ne rentrent pas dans les 3 groupes ci-dessus (en général : absence d'anomalie cytogénétique particulière ou caryotype non réalisé)

Remarque pratique : on vérifie d’abord que la LA observée entre dans le cadre de la définition générale d’une LAM avec maturation, puis s’il existe des particularités morphologiques, puis on recherche les antécédents et les anomalies cytogénétiques (moléculaires).

Définition.

LAM caractérisée par :

         - la présence d'au moins 20% de myéloblastes dans la moelle osseuse ou le sang

         - une maturation dans la lignée neutrophile d'au moins 10% dans la moelle

         - avec une lignée monocytaire < 20% des cellules de la moelle osseuse (ou du sang).

Caractéristiques générales.

C'est le groupe le plus important, représentant environ 30% des LAM. Il survient à tous les âges. Présente parfois des manifestations tumorales, comme par exemple un sarcome myéloïde. Dans ce cas la moelle osseuse peut-être modérément infiltrée de blastes : on recherche en premier lieu une t(8 ;21).

Hémogramme.

Hyperleucocytose d’importance variable. Les blastes sont des myéloblastes, avec un niveau variable de maturation. Parfois la maturation se poursuit jusqu’au stade neutrophile mature.

Myélogramme et cytochimies.

Frottis souvent richement cellulaires, avec > 20% de myéloblastes avec et sans granulations azurophiles. Un bâtonnet d'Auer est fréquent.

Promyélocytes, myélocytes et neutrophiles matures représentent au moins 10% des cellules du myélogramme.

L'examen morphologique attentif du sang et de la moelle osseuse permet dans une partie des cas d'orienter plus précisément le classement.

               * Aspect cytologique particulier souvent associé à la t(8;21)  [1/3 des cas de LAM2 ; 5 – 12 % de l’ensemble des LAM] (voir la remarque plus loin). Les myéloblastes sont grands, avec un cytoplasme basophile abondant, de nombreuses granulations azurophiles et parfois un bâtonnet d’Auer isolé et de grande taille. Quelques myéloblastes possèdent une zone claire proche du noyau (= appareil de Golgi) et le corps d’Auer peut se disposer en travers de cette zone claire = aspect en « boussole ». Les granulations peuvent être volumineuses (granules de type pseudo-Chédiak provenant de la fusion de granulations primaires). Les blastes peuvent être plus petits dans le sang.

Quelques cellules de la maturation granulocytaire peuvent montrer une dysplasie particulière : cytoplasme peu granuleux, présence d'un liseré basophile en périphérie de la cellule, ou d’un défaut de segmentation (anomalie pseudo-Pelger), et/ou une coloration rose homogène du cytoplasme des neutrophiles et plus rarement quelques granulocytes matures contenant un bâtonnet d'Auer intracytoplasmique.

Le nombre des éosinophiles médullaires est souvent augmenté, mais sans anomalie morphologique particulière (et contrairement aux LAM4eo, les éosinophiles sont ici habituellement négatifs pour la Naphtol ASD Chloro Acétate estérase). Le nombre de monocytes est faible, et il n’y a pas de dysplasie notable des mégacaryocytes et des érythroblastes.

Remarques : la t(8 ;21) est essentiellement associée aux LAM2, mais a été observée également dans un petit nombre de cas de LAM1 ou LAM4. Dans quelques cas l’anomalie cytologique est évocatrice avec réarrangement de RUNX1 et RUNX1T1 mais la translocation est absente.

LAM2-t-8-21-40782 LAM2-t-8-21-40576 LAM2-t-8-21-40573

LAM avec t(8;21) ! présence d'un corps d'Auer dans un neu-

trophile (sang)

LAM avec t(8;21) :dysgranulopoïèse avec intense liseré

basophile sous la membrane externe

LAM avec t(8;21) : corps d'Auer volumineux et disposés "en

boussole" , càd en travers de l'appareil de olgi

               * Excès de blastes associé à une dysplasie nette sur au moins 50% des cellules d'au moins 2 lignées myéloïdes [1/3 des cas]. Les myéloblastes sont souvent peu différenciés (pas de granulations, cytochimie MPO négative ou positive pour quelques blastes).

Dysgranulopoïèse : neutrophiles avec noyaux hyposegmentés (anomalie pseudo-Pelger) ou bizarrement segmentés, et/ou cytoplasmes hypogranulaires ou agranulaires. L'anomalie est parfois plus nette sur la moelle que sur le sang.

Dysérythropoïèse : mégaloblastes intermédiaires, irrégularité du contour nucléaire, caryorrhexis ou multinucléarité ; une vacualisation du cytoplasme (vacuoles souvent positives au PAS) et/ou des sidéroblastes en couronnes sont également décrits dans quelques cas.

Dysmégacaryopoïèse : micromégacaryocytes mêlés à des cellules de taille normale ou augmentée, avec un noyau soit non lobulé soit avec nombreux noyaux dispersés.

               * Autres situations [1/3 des cas]. Soit aucune particularité notable, soit un nombre de basophiles et/ou de mastocytes augmenté (mais sans l’anomalie cytogénétique récurrente t(6;9)(p23;q34).

LAMavecmatur55094 LAMavecmatur55099 LAMavecmatur55101
LAM avec maturation : trois  images de la moelle osseuse    

Immunophénotype.

Expression des antigènes myéloïdes (CD13, CD33, CD 65, CD11b, CD15).

 CD34 et/ou CD117 et HLA-DR sont exprimés sur une fraction des blastes.

Les marqueurs monocytaires sont habituellement absents.

Le CD7 est présent dans 25% des cas.

(Voir également le chapitre concernant les « LAM avec anomalies liées aux myélodysplasies »).

Remarques concernant les LAM avec t(8;21) (q22;q22) ; RUNX1-RUNX1T1 [anciennement AML1-ETO].

          - Dans quelques cas le pourcentage de blastes du sang et de la moelle est < 20%.

          - L'immunophénotype est particulier avec une sous population de blastes qui montre une forte expression du CD34, du HLA-DR, de la MPO et du CD13, et une expression plus faible du CD33.

          - L’expression de l'antigène CD19 (et de PAX 5 ou du CD79a cytoplasmique) est fréquente. Une partie de la population analysée montre une maturation granulocytaire avec du CD15 et/ou du CD65.

          - Le CD56 est exprimé dans une partie des cas et pourrait avoir un caractère pronostique négatif.

          - Génétique. Le facteur de transcription CBF (Core Binding Factor) est formé par le produit des gènes RUN X1 (appelé aussi AML1 ou CBF Alpha) et CBF Bêta. Dans la t(8;21)(q22;q22), le gène RUN X1 est transloqué près du gène RUNX1T1 (appelé aussi ETO) : le transcrit de fusion RUNX1 – RUNX1T1 provoque une répression transcriptionnelle des gènes cibles habituels de RUNX1.

             Dans 70% des cas, on trouve une anomalie chromosomique additionnelle (souvent perte d'un chromosome sexuel ou une del (9)(q13;q22). La présence d’une t(8;21) confère un pronostic favorable : taux élevé de rémission, espérance de vie sans évènement importante. La découverte d’une mutation dans le domaine kinase de c-KIT (KIT-D816) confère un pronostic moins favorable.

Diagnostic différentiel.

LAM sans maturation (quand la maturation est modérée)

SMD, quand la myélodysplasie est importante et le nombre de blastes proche de 20% (AREB de type II)

Erythroleucémie, quand il existe de nombreux érythroblastes (proche de 50%)

Parfois avec les LA mégacaryocytaires.

Antécédents de chimiothérapie d‘une part, présence d'anomalies cytogénétiques particulières d’autre part sont prioritaires pour le classement.

2. LA promyélocytaire (tous les cas de LAM3 – FAB).

Groupe constamment associé (>95% des cas) à la présence d’une t(15;17)(q22;q12).

Représente 5 à 8 % des LAM ; s'observe à tous les  âges de la vie, mais prédomine chez l'adulte (7 % avant 60 ans et 3.1 % après 60 ans).

Définition et caractéristiques générales.

LAM dans laquelle les blastes sont souvent riches en granulations et donc morphologiquement proches des promyélocytes.

- forme classique (3/4 des cas) : leucopénique ou normoleucocytaire, avec un nombre variable de blastes sanguins, souvent hypergranulaires  (LAM3 - FAB),  

- forme variante : le plus souvent hyperleucocytaire (10 à au maximum 120 G/L), avec des blastes pauvres ou dépourvus de granulations (LAM3v - FAB).

Elles sont presque constamment associées à un syndrome de défibrination.

Morphologie et cytochimie.

Les blastes sont souvent de grande taille (20-30 µm de diamètre).

Forme classique M3 : contour nucléaire souvent irrégulier, variablement réniforme ou bilobé. Le cytoplasme est rempli de granules azurophiles ou pourpres, parfois coalescentes, allant jusqu'à masquer la visibilité du noyau. Dans quelques cellules les granulations sont plus fines et certaines contiennent un corps d’Auer, ressemblant à des myéloblastes. La caractéristique est que quelques cellules contiennent de très nombreux corps d'Auer (jusqu’à 50 = aspect de fagots) ;

Forme microgranulaire ou hypogranulaire M3v : contour nucléaire souvent bilobé, cytoplasme avec granulations rares ou absentes (en réalité présentes mais non colorées). Il existe cependant souvent au moins quelques cellules plus granuleuses ; un nombre très faible de blastes contiennent de nombreuses granulations et/ou des fagots de corps d'Auer (recherche très assidue indispensable).

En pratique plus la leucocytose est importante plus les cellules sont hypogranuleuses.

Quel que soit le type morphologique la moelle osseuse est le plus souvent richement cellulaire et blastique, et souvent les blastes sont un peu plus granuleux que le sang.

De même, quel que soit l'aspect cytologique, la cytochimie de la MPO est fortement positive dans tous les blastes.

LA promyelocytes - sang LA promyelo Sg

LA à promyélocytes : plusieurs corps d'Auer dans ce blaste

sanguin

LA à promyélocytes : plusieurs corps d'Auer dans ce blaste

sanguin

LA promyelo MO2 LA promyelocytes MO

LA à promyélocytes : plusieurs blastes contenant de nombreux

(= fagots) corps d'Auer (MO)

LA à promyélocytes : plusieurs blastes contenant de nombreux

(= fagots) corps d'Auer (MO)

Immunophénotype.

Forme classique hypergranulaire (M3) : expression faible ou absente du CD34 et du HLA-DR, expression parfois faible du CD117; CD33 et le CD13 sont positifs. Les marqueurs de différentiation granulocytaire CD15 et CD65 sont négatifs ou faiblement exprimés.

Forme microgranulaire (M3v) : au moins une partie des blastes exprime le CD34 et le CD2.

Le CD56 est exprimé dans 20% des cas et semble associé à un plus mauvais pronostic.

Génétique.

           Dans la translocation (15;17)(q22;q21) le gène du récepteur de l'acide rétinoïque alpha (RARA) en 17q12 (ou 17q21) fusionne avec le gène d'un facteur de régulation nucléaire en 15q22 (gène PML) pour produire un gène de fusion PML-RARA.

           PML (promyelocytic leukemia) a 3 points de cassure : bcr1 (70% des cas), bcr2 (10%) et bcr3 (20%), ce qui donne naissance à 3 transcrits PML-RARA hybrides : long (L), Intermédiaire (V), et court (S; short). [forme V = sensibilité moindre à l'ATRA; forme S = plus fréquemment des anomalies cytogénétiques associées]. Le transcrit important est PML-RARA porté par le chromosome dérivé 15 clivé. La protéine de fusion dérégule les signaux de différenciation et de maturation.

          Dans < 5% des cas on n’observe pas la t(15 ;17) classique, le plus souvent parce qu’il s’est constitué une translocation variante complexe (= translocation masquée) impliquant les chromosomes 15, 17 et un autre chromosome, mais le transcrit de fusion PML-RARA est présent [pas de différence morphologique entre les cas avec translocation classique et avec translocations complexes].

           Des anomalies cytogénétiques secondaires sont retrouvées dans 40% des cas, souvent + 8.

           Des mutations FLT3-ITD surviennent dans 35% des cas de LAM3 et dans plus de 50% des  formes hyperleucocytaires et microgranulaires (elle implique en outre un point de cassure particulier bcr3 de PML).

           Une forme exceptionnelle de LA promyélocytaire présente une t(5;17)(q35;q12) NPM1-RARA, avec mélange de blastes hypergranuleux et peu granuleux, sans corps d'Auer visibles. Cette translocation implique NPM1 en 5q35 et répond au traitement ATRA.

Pronostic.

Très favorable, avec grande sensibilité à l'acide rétinoïque (ATRA), et au As2O3.

Tableau de synthèse des translocations impliquant RARA :

translocations

 % de cas

           Morphologie

Sensibilité ATRA

t(15;17)(q22;q12)              PML – RARA

95 %

M3 ou M3v

oui

Translocations variantes (ou complexes), impliquant 15q22,17q12, et un autre chromosome.                     PML-RARA

3-4 %

M3 ou M3v

oui

t(11;17)(q23;q12)        ZBTB16(PLZF)-RARA

0.8 %

Aspect de LAM2 (blastes bien différenciés) + anomalie de Pelger

CD34- CD13+ CD33+, souvent CD56+

Non dans la plupart des cas

t(11;17)(q13;q12)              NuMA1-RARA

Except.*

M3

(NuMA = Nuclear Mitotic Apparatus)

oui

t(11;17)(q23;q12)              KMT2A-RARA

(MLL = KMT2A)

Except.

LA monoblastique (à classer parmi les LA monoblastiques)

non

t(5;17)(q35;q12)                NPM1-RARA

Except.

LAM3 avec majorité de blastes hypergranuleux et minorité de Bl. Hypogranuleux

oui

t(17;17)(q11;q12)              STAT5b -RARA

Except.

Aspect de LAM1 avec quelques blastes M3 microgranulaires

non

* Except. = vraisemblablement < 5 - 10 cas rapportés dans la littérature.

[Autres gènes décrits comme transloqués à proximité de RARA : PRKAR1A (17q24), FIP1L1 (4q12)]

juillet 2013