Immunophénotypage : outil majeur dans la démarche diagnostique des LA, en complément de l'analyse cytologique, notamment grâce à sa rapidité et son accessibilité.
- Il permet de déterminer l'appartenance à une lignée cellulaire précise, et de préciser le niveau de différenciation pour identifier et/ou préciser le diagnostic des diverses formes de LA (classification WHO 2008 des LA).
- peut avoir un rôle pronostique par la mise en évidence d'un phénotype corrélé à des anomalies cytogénétiques et/ou moléculaires
- permet d'identifier la présence de certains marqueurs au sein des blastes en vue d'une utilisation d'une thérapeutique ciblée par anticorps monoclonaux
- permet de détecter le profil antigénique aberrant des blastes pouvant se révéler utile pour suivre la maladie résiduelle.
1 - Principe d'analyse des blastes en cytométrie de flux
Méthode définie par le Groupe de Travail sur les Leucémies et Lymphomes en Francophonie et le Groupe d'Étude Immunologique des Leucémies (1)
Échantillon : moelle osseuse ou sang (prélevés sur tube EDTA).
On travaille soit sur des cellules nucléées isolées (gradient de densité sur ficoll) soit sur sang ou moelle totale (puis lyse des GR). Les suspensions de cellules sont mises en contact avec des solutions d’anticorps (Ac) couplés à divers fluorochromes. L'utilisation combinée d’Ac couplés à différents fluorochromes (4 couleurs) permet de séparer les différentes populations cellulaires en cinq clusters après analyse par les faisceaux lasers du cytomètre de flux. Une couleur spécifique est attribuée à chaque cluster.
Le scattergram FSC/SSC permet d'éliminer les débris cellulaires.
Le scattergram CD45/SSC constitue le masque de référence définissant les régions (fenêtres ou gates) d'analyse. On peut y superposer l'expression de marqueur de maturité spécifique de lignée afin de recadrer les fenêtres sur les populations d'intérêt.
L'aire "Bermudes" comprend les cellules hématopoïétiques immatures et la population blastique de la majorité des LA.
Une fois la population d'intérêt identifiée, on détermine le profil d'expression de divers antigènes à la surface ou dans le cytoplasme des blastes : on superpose au scattergram CD45/SSC les cellules exprimant un ou une combinaison d'antigène (= backgating).
2 - Démarche pratique et immunophénotype des Leucémies Aiguës.
2.1. Assignation de lignée des blastes et définition des entités cliniques (étape commune aux LAM et LAL) : panel obligatoire
Cette étape permet également d'établir un diagnostic différentiel entre les LA, les lymphomes, les tumeurs non-hématopoïétiques et les états réactionnels.
On utilise un panel d'anticorps constitué des marqueurs les plus spécifiques de chaque lignée hématopoïétique et de marqueurs d'immaturité ou de maturation.
Au moins 2 Ag de lignée doivent être exprimés par les blastes pour confirmer leur appartenance à une lignée. Les LA indifférenciées n'expriment aucun marqueur spécifique de lignée lymphoïde ou myéloïde mais sont CD34+/CD45low.
Le CD45 qui permet de réaliser les fenêtrages est un Ag de maturité et un marqueur pan leucocytaire.
Orientation rapide (assignation de lignée)
|
Définition d'entités cliniques |
|||
Ag d'immaturité |
CD34 TdT |
HLA-DR |
||
Ag de lignée précoces |
Myéloïde |
MPO CD13 CD33 |
||
Lymphoïde |
T |
cCD3 CD2 CD7 |
CD1a CD5 |
|
B |
cCD79a CD10 CD19 CD22 s ou c |
Cμ |
||
Ag de lignée plus tardifs |
Ag pan-leucocytaire |
CD45 |
||
Myéloïde |
CD14 CD65 CD41 ou CD61 CD235 ou CD36 |
|||
Lymphoïde |
T |
CD4 CD8 sCD3 |
||
B |
sIg |
|||
Autres lignées (NK, pDC…) |
CD56 |
pDC : cellules dendritiques plasmocytoïdes
En rouge = marqueurs localisés au niveau cytoplasmique ou nucléaire ; le marquage nécessite des agents de perméabilisation cellulaire (TdT : marquer lymphoïde et des LAM peu différenciées).
Remarque : CD2, CD56, CD7, et CD19 sont des Ag lymphoïdes fréquemment exprimés dans les LAM et sont donc moins fiables pour l'assignation de lignée.
2.2. Panel additionnel aidant au diagnostic des LA
Lymphoïde |
T |
TCR |
B |
Chaînes légères intra-cytoplasmiques ou membranaires CD9 PAX5 |
|
NK |
CD7 CD16 CD56 CD57 CD94 CD158 |
|
Myéloïde |
Contenu enzymatique des myéloblastes |
Précoce : MPO CD133 Différencié : lactoferrine intra-cytoplasmique |
Neutrophile |
CD15 CD16 CD11b (CD10+) |
|
Monocytaire |
CD4low CD11b CD14 CD36 CD64 La co-expression des Ag est importante Lyzozyme positif |
|
Érythroïde |
CD36 CD71 CD235 |
|
Plaquettaire |
CD41 CD42 CD61 |
|
pDC |
CD4 CD56 CD123 CD68 BDCA Lyzozyme négatif |
2.3. Diagnostic immunophénotypique des LAM
La classification actuelle des LAM (OMS 2008) est fondée sur l'identification des anomalies cytogénétiques.
L'immunophénotypage reste cependant indispensable pour le diagnostic des LAM0 et LAM7.
Il confirme le diagnostic des LAM1. Il est moins indispensable pour la LAM3 (hormis LAM3 var) ou les LAM2, LAM4, LAM5 et LAM6.
LAM |
Ag myéloïdes communs |
Ag spécifiques de lignée |
Ag aberrants |
Particularités |
|
Lymphoïdes |
Altérations de l'expression |
||||
LAM0 |
CD34 HLA-DR CD13 CD33 |
TdT |
MPO- |
||
LAM1 |
CD34 HLA-DR MPO CD13 CD33 CD65 |
CD117 |
|||
LAM2 avec t(8;21) |
CD34 HLA-DR MPO CD65 |
CD19low CD56 |
CD13low CD33low |
||
LAM2 sans t(8;21) |
CD2+ ou CD7+ (CD19-) |
CD13high CD33high |
|||
LAM3 = APL t(15;17) |
MPO CD13 CD33 CD65 |
CD117 |
CD2+/- |
CD34- HLA-DR- CD15- CD11a- CD18- CD11b- CD11c- |
|
LAM3 var |
CD2+ CD9 inconstant |
CD34+ |
|||
LAM4 |
CD34 HLA-DR MPO CD13 CD33 CD65 |
CD4 CD14 CD11b CD11c CD45 |
CD19high |
Il est difficile de différencier les monocytes normaux des cellules leucémiques |
|
LAM4 éo Inv16 (CBFb/MYH11) |
CD2+ |
||||
LAM5 |
HLA-DR MPO CD33 CD65 |
CD4 CD14* CD11b CD11c CD15 CD36 CD64 lysozyme |
CD56+ |
CD34- CD41low CD61low (adsorption plaquettaire sur les blastes) |
|
LAM6 |
MPO CD13 CD33 si composante myéloïde |
CD36 CD235 CD71 |
|||
LAM7 |
CD34 HLA-DR CD13 CD33 |
CD41 CD61 CD42b CD4 CD36 CD45 |
|||
Leucémie à précurseurs basophiles et mastocytes |
CD13 CD33 |
CD22+ CD9 CD25 |
Rechercher un chromosome j ou le transcrit BCR-ABL |
||
Leucémie à précurseurs DC |
MPO- TdT variable HLA-DR+ CD33 variable |
CD4 CD56 CD123 BDCA CD68 variable |
CD22+ |
lin- lysozyme- Pas de mq B et T |
* CD14 : parfois négatif chez l'enfant
Lien avec les réarrangements géniques mis en évidence par biologie moléculaire :
réarrangement du gène MLL (maintenant KMT2A) : expression du marqueur 7.1.
mutation FLT3-IDT : CD34- HLA-DR- CD56+ CD123+ CD133-
mutation NPM1 : CD34-
mutation CEBPA : CD7+
Remarque : La mastocytose systémique, intégrée dans les syndromes myéloprolifératifs, dissémine parfois dans le sang. Les mastocytes malins expriment des Ag aberrants CD2+ et CD25+, et présentent une altération de l'expression du CD117 : CD117dim .
3. Suivi de la réponse au traitement et suivi de la maladie résiduelle (MRD : Minimal Residual Disease)
Les blastes des LA expriment un profil phénotypique différent des cellules normales en cours de maturation :
- expression aberrante de marqueurs d'autres lignées,
- asynchronisme d'expression de marqueurs d'immaturité et de maturité,
- diminution ou absence d'expression de marqueurs normalement présents au stade de maturation des cellules de la lignée dont est issue la cellule leucémique,
- sur-expression d'un marqueur).
Seuil de sensibilité de la technique cytométrique : 1.10-4
La cytométrie présente l'avantage par rapport à la biologie moléculaire de faire la distinction entre les cellules viables et les cellules mortes.
LAL
La cytométrie vient en complément de la biologie moléculaire pour suivre la réponse au traitement. La rémission phénotypique se définit à J35 et à J70 par un taux de blastes détectés 1 % et 0,1 %, respectivement.
Elle permet également de quantifier la MRD et de prédire ainsi le risque de rechute.
Ag utilisés :
- LAL-T : CD99
- LAL-B : CD58, CD123
LAM
La détection de la MRD dans les LAM est moins bien établie que pour les LAL.
Limites de la technique dans le suivi de la MRD :
- nombre d'événements importants à acquérir pour augmenter la sensibilité
- la limite de détection dépend du nombre de cellules analysées, de la présence d'un éventuel contaminant, du bruit de fond
- changement du phénotype des blastes avec le temps et les traitements
Références
(1) Arnoulet C., Béné MC. et al : Four- and five- color flow cytometry analysis of leukocyte differentitayion pathways in normal bone marrow : a reference document based on a systematic approach by the GTLLF and GEIL. Clinical Cytometry, 2010;78B:3-10
(2) Craig F. E, Foon K. A. : Flow cytometric immunophenotyping for hematogic neoplasms. Blood 2008;vol111,8
(3) Béné MC, Nebe T. et al : Immunophenotyping of acute leukaemia and lymphoproloferative disorders : a concensus proposal of the European LeukemiaNet Work Package 10. Leukemia 2011;25,567-574.
Document rédigé par Camille Ramirez, Interne en Biologie (septembre 2011)