1. DEFINITION
Les hématies ou globules rouges (GR) du sang contiennent l'hémoglobine, qui permet de fixer l'oxygène au niveau des poumons et le transporter vers les tissus.
L'érythropoïèse est le processus par lequel l'organisme assure la production des GR.
Chaque jour 200 milliards de GR sont produits par la moelle osseuse de l'adulte sain, ce qui compense exactement les pertes physiologiques et l'élimination des GR vieillis (= hémolyse physiologique), maintenant ainsi l’hémoglobine sanguine à une valeur stable tout au long de la vie adulte.
2. ASPECTS MORPHOLOGIQUES DE L’ERYTHROPOIESE
2.1. Ontogénie.
Des cellules contenant de l’Hb embryonnaire apparaissent au 21ième jour de l’embryogenèse dans les premiers vaisseaux, dans l’AGM (aorte-gonades-mesonephros) et le sac vitellin (origine mésodermique). A partir de 2 mois l’érythropoïèse se localise dans le foie et dans la rate, puis elle devient progressivement médullaire (= seul site de production de GR à partir de la naissance).
2.2. Les cellules de l’érythropoïèse.
* Les progéniteurs.
Au sein des cavités intra médullaires, un pool de cellules souches hématopoïétiques donne naissance successivement à une cellule souche myéloïde (= progéniteur pluripotent) appelée CFU-GEMM [Colony Forming Unit - Granulocytaire, Erythroblastique, Monocytaire et Mégacaryocytaire].
La CFU –GEMM se différencie ensuite en progéniteur commun Erythroblastique et Mégacaryocytaire (MEP) puis en progéniteurs spécialisés E ou MK. Pour la lignée érythroblastique apparaissent successivement :
- les BFU-E (Burst Forming Unit – E) [aspect de colonies éclatées],
- puis les CFU-E.
BFU-E et CFU-E sont capables d’expansion, alors que les précurseurs ne sont capables que de divisions avec différenciation.
* Proérythroblastes.
Premiers précurseurs (= identifiables morphologiquement), issus de la différenciation des CFU-E.
Après 4 mitoses successives ils donnent naissance en 5 à 7 jours aux réticulocytes qui évoluent en GR matures en 1-2 jours.
Il existe une dysérythropoïèse physiologique, correspondant à environ 15% de la production quotidienne
.
* Au cours de la différenciation on observe:
- réduction progressive de la taille cellulaire et de la taille du noyau,
- condensation progressive de la chromatine dans un noyau qui reste rond et centro cellulaire tout au long de la différenciation,
- hémoglobinisation progressive du cytoplasme : la synthèse d'Hb (acidophile) masque progressivement la basophilie cytoplasmique liée à l’ARN
* Ilots érythroblastiques.
Dans la moelle osseuse les érythroblastes sont regroupés, formant une double (parfois triple) couronne autour d'un macrophage, qui fournit des éléments nutritifs et un peu de fer et phagocyte les noyaux expulsés [ces îlots sont habituellement détruits lors de la ponction aspiration et l’étalement du suc médullaire]
2.3. Les divers érythroblastes et les réticulocytes :
3. METHODES D’EXPLORATION
3.1. Hémogramme et numération des réticulocytes.
La valeur de l'hémoglobine à l'hémogramme, ainsi que celle des indices érythrocytaires (VGM, CCMH) permet une première approche des perturbations d el'hématopoïèse.
La N° des réiculocytes (N = 20 - 100 G/L) précise la qualité de la production médullaire.
Les indices réticulocytaires (notamment la fraction immature des réticulocytes, fournie par plusieurs automates, qui correspond au %de réticulocytes les plus jeunes) sont également utlies pour préciser la production médullaire quasiment à l'instant présent.
3.2. Le myélogramme (et la biopsie ostéo-médullaire).
Il permet :
- de quantifier l'érythropoïèse (N = 15 - 30 % des cellules myéloïdes sont des érythroblastes)
- l'étude morphologique, qui oriente vers une pathologie éventuelle : anomailes nucléaires évoquant une perturbation d ela synthèse de l'ADN (carence en vit B12 ou B9, toxiques, anomalies du génome), anomalies cytoplasmiques à relier à une perturbation d ela synthèse de l'hémoglobine (carence en fer, myélodyslasies)
Lien : le myélogramme et ses résultats
3.3. Les antigènes de la lignée érythroblastique
* En surface des progéniteurs:
- des antigènes des cellules souches myéloïdes primitives: CD 34, CD 33, CD 117,
- des molécules d'adhésion : intégrines (CD 11a/CD 18), ICAM (CD 54), et VLA 4 qui contrôlent l'adhésion aux autres cellules et à la matrice extracellulaire.
- HLA-DR sur les BFU – E, qui disparaît sur les CFU – E.
* En surface des progéniteurs et précurseurs:
- des récepteurs pour l'EPO et pour le TNF alpha (jusqu'au stade basophile inclus),
- le récepteur de la thrombospondine (CD 36 ou Gp IV) (jusqu'au GR),
- Les antigènes de groupes sanguins, rhésus et Ii apparaissent dès le stade CFU-E (i d'abord, sur les proérythroblastes, puis I ensuite).
- le récepteur de la transferrine CD 71 (mais commun à toutes les cellules en cycle)
Dans le cytoplasme : Hb et diverses enzymes (anhydrase carbonique), dont les premières molécules sont retrouvées au stade CFU-E tardif.
3.4. Culture in vitro des progéniteurs érythroblastiques.
Les techniques de culture mises au point en 1970 permettent d'objectiver le pool de progéniteurs érythroïdes.
Les cultures en milieu semi solide mettent en évidence de façon indirecte des progéniteurs érythroblastiques par leur faculté de produire des colonies différenciées: une colonie apparaissant sur le milieu de culture correspond à la prolifération et la différenciation d'un progéniteur.
L'aspect des colonies et son contenu en cellules diffère selon de progéniteur en cause, ce qui permet l'identification de celui-ci. En outre, plus une colonie apparaît tardivement, plus elle correspond à un progéniteur précoce.
Culture des progéniteurs : aspects pratiques.
- trois milieux peuvent être utilisés (Plasmaclot, Méthyl-cellulose, Collagène).
- des cellules mononucléées isolées d’un prélèvement médullaire aspiré stérilement sur héparine sont étalées en nombre défini sur du milieu de culture contenu dans diverses boites de pétri, avec et sans addition d'érythropoïétine (EPO). L'incubation se fait à 37°C sous 5% de CO2 en atmosphère humide, et la lecture se fait après 7 jours (CFU-E) et 14 jours (BFU-E).
- les progéniteurs les moins matures sont les BFU-E: ils donnent en culture de volumineuses colonies souvent multicentriques (d’où le terme de burst = éclatement) après 10 à 21 jours chez l'homme (moyenne = 14j). alors que les CFU-E donnent naissance à de petites colonies de 8 à 100 cellules après 7 à 10 jours chez l'homme.
- Chez le sujet sain les progéniteurs érythroblastiques ne se développent qu'en présence d'EPO. Dans plusieurs syndromes myéloprolifératifs, et notamment la maladie de Vaquez, l'apparition de colonies se développant spontanément, sans addition d'EPO, est l'une des caractéristiques de la maladie.
4. REGULATION DE L'ERYTHROPOIESE
4.1. Eléments nécessaires.
Des protéines : 14 % des protéines utilisées par l'organisme
Des métaux: le fer est essentiel à la synthèse de l'hémoglobine; sont également importants le cuivre, le cobalt et le zinc.
Des vitamines: la vitamine B12 et les folates pour la synthèse du thymidylate indispensable à la synthèse de l'ADN, mais également les vitamines vit B6, C, et B2.
Des hormones: notamment thyroïdiennes et androgènes, mais également l'insuline.
4.2. Régulation transcriptionnelle.
Reprise en détails dans le chapitre consacré à l’hématopoïèse.
Les facteurs de transcription GATA-1 et EKLF sont majeurs pour la différenciation érythroblastique.
4.3. Régulation avec l’érythropoïétine.
- L'EPO est le facteur de croissance majeur de l’érythropoïèse. C’est une protéine de 166 AA possédant de nombreux sites de glycosylation (la glycosylation est responsable de l'activité in vivo et de la stabilité de la protéine). Elle est secrétée par des cellules endothéliales des capillaires des tubes proximaux rénaux.
La demi-vie de l'EPO dans l'organisme est de 4 à 7 heures. Sa production est stimulée par l'hypoxie rénale. Le taux circulant normal est de 10 à 20 U/L de sérum, et peut augmenter de plus de 30 fois en cas d'anémie.
- Les récepteurs de l'EPO.
- ce sont des récepteurs associée à une tyrosine kinase,
- ils sont présents sur les BFU-E tardives et leur nombre est maximal aux stades CFU-E, proérythroblastes, et érythroblastes basophiles,
- la fixation de l'EPO sur son récepteur induit l'activation (càd la phosphorylation) d'une molécule sous membranaire appelée JAK2 (= protéine de la transduction du signal), laquelle phosphoryle la molécule STAT 5, facteur de transcription qui induit la prolifération des érythroblastes.
Remarque : il existe également une faible production hépatique (10% du total) (le site hépatique est prépondérant chez le fœtus).
- Régulation avec l’EPO et rétro contrôle.
A l’état normal :
seuls les érythroblastes (Ebl) les plus sensibles à l'EPO (riches en EPO-R) prolifèrent et se différencient,
il existe un rétro contrôle : les Ebl polychromatophiles et acidophiles (qui expriment le Fas Ligand (FasL)) rétroagissent sur les pro Ebl et les Ebl basophiles (qui portent le récepteur Fas): l’interaction Fas-FasL réprime la prolifération des Ebl immatures et peut induire leur apoptose.
En cas d’excès d’EPO :
tous les Ebl portant des EPO-R (= qu'ils soient peu ou très sensibles à l’EPO) vont proliférer et se différencier pour produire un nombre élevé d’érythrocytes,
les Ebl immatures sont protégés contre l’apoptose induite par les Ebl matures.
Actuellement l'EPO est produite par génie génétique dans un but thérapeutique.
4.4. Régulation avec d’autres cytokines.
* Cytokines activatrices :
- interleukine 3 (prolifération des progéniteurs pluripotents et des BFU-E, en synergie avec le GM-CSF),
- SCF : en synergie avec l'interleukine 3 et le GM-CSF sur les progéniteurs, et synergie avec l'EPO pour les progéniteurs tardifs et les précurseurs.
- interleukine 9 : action sur les BFU-E et les CFU-E.
- interleukine 11: permet la prolifération des BFU-E avec l'IL-3 et en l’absence d'EPO, et également la maturation des CFU-E.
* cytokines inhibitrices :
TNF alpha et interféron gamma libérés par les macrophages au cours de la réponse inflammatoire ont une action négative sur la prolifération des CFU-E et des proérythroblastes.
4.5. Régulation de la synthèse de la globine
Apparition successive de plusieurs chaînes de globine au cours de l'ontogénie :
- la chaîne alpha est synthétisée dès le troisième mois de gestation
- les chaînes zêta, epsilon et gamma apparaissent dès le 3ième mois de gestation et produisent les hémoglobines Gower 1 (zéta2 epsilon2), Gower 2 (alpha2 epsilon2) et Portland (zéta2 gamma2).
- A partir de 5-6 mois la synthèse de chaîne gamma est majoritaire, donnant l'Hb F (Hb fœtale alpha2 gamma2); la synthèse de la chaîne gamma cesse à la naissance
- la synthèse de chaîne bêta débute au voisinage de la naissance (Hb A ou adulte = alpha2 bêta2), de même que la chaîne delta (qu reste minoritaire, donnant l'Hb A2 alpha2 delta2)
La biosynthèse de l'hémoglobine commence au niveau des progéniteurs tardifs (quelques molécules) puis devient intense à partir de l'érythroblaste polychromatophile et s'achève dans le réticulocyte.
Les étapes initiales et finales de la synthèse de l'hème se déroulent sur les crêtes mitochondriales internes des érythroblastes, l'étape intermédiaire se déroulant dans le cytoplasme.
La synthèse de la globine s'effectue selon le schéma général des synthèses protéiques (ARN messager, puis synthèse puis association des chaînes alpha et bêta produites pour former le tétramère alpha2 bêta2). Il existe un niveau d'expression élevé et égal des chaînes alpha et non alpha.
L'association hème-globine donne la molécule d'hémoglobine.
CONCLUSION.
Comprendre l'érythropoïèse permet de comprendre la physiopathologie des anémies
octobre 2011.